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Damien Drechsler, l’écriture et le Péloponnèse Nord

Dieter Moitzi, auteur du polar Le Cercueil farci, nous parle des raisons pour lesquelles il s’est (re)mis à écrire et ce qui lui a inspiré son premier roman

Je pense que, depuis que je sais lire et écrire, j’ai toujours adoré ça : lire, justement, et écrire. Déjà petit, j’ai dévoré tout ce que j’ai trouvé, et très tôt, j’ai commencé à me faire mes propres bouquins dans la tête. Je me souviens notamment d’un projet de roman que j’ai élaboré à l’âge de neuf, dix ans : une famille qui traverse les États-Unis en camping-car et vit plein d’aventures. J’ai trouvé des noms et une profession pour le papa et la maman, un nom d’école pour le fils et la fille, des caractéristiques pour tout un chacun, et j’ai même dû écrire quelque chose comme vingt pages jusqu’à ce que je me rende compte… que je ne connaissais rien des endroits dont je voulais parler. Eh oui – je n’avais jamais mis les pieds là-bas ! Internet avec ses google maps, google images et wikipedia n’existait pas encore à l’époque, alors difficile de décrire le Mont Rushmore, par ne citer qu’un seul exemple (je me souviens encore que c’était la première étape des périples de ma famille).

J’ai donc abandonné le projet, un peu déçu de découvrir qu’il faut avoir vécu certaines choses avant de pouvoir en parler. Mais j’ai quand même continué à aimer les exercices d’écriture que l’on nous faisait faire à l’école, surtout quand il ne s’agissait pas de disserter sur tel livre ou tel auteur ou tel sujet sociétal (avec thèse, antithèse, synthèse – la barbe), mais d’écrire librement sur un sujet. Dans l’école où j’allais, nous avions la chance de pouvoir le faire de temps en temps.

Ensuite, eh bien, les études avec leur lot d’exercices d’écriture académique, puis, le boulot, où « écrire » voulait dire « écrire une lettre » et, plus tard, « écrire un mail ». Mais l’envie d’inventer quelque chose, de créer tout un nouveau monde en écrivant ne m’a jamais quitté ; elle était là, en moi, comme un manque, une douleur fantôme.

C’est le hasard qui m’a ramené vers l’écriture et qui a donné naissance à Damien Drechsler, Nikos et tout le petit monde que je décris dans Le Cercueil farci. Un jour, je suis parti passer deux semaines de vacances dans le Péloponnèse Nord. D’un seul coup, peut-être submergé par la beauté des lieux et envahi par ce léger ennui sans nom que l’on peut parfois ressentir dans un club-hôtel, je me suis surpris à élaborer un bouquin dans ma tête. Je me souviens que je faisais la planche dans la mer, les yeux fermés, et que le soleil dessinait des taches colorées à l’intérieur de mes paupières. Et je me suis dit : Imagine la piscine aux eaux turquoise scintillantes, avec un cadavre qui flotte dedans. L’idée pour un polar a commencé à germer dans ma tête. Une fois rentré à Paris, je me suis mis à coucher mes premières idées non pas sur papier, mais dans un document Word. J’ai écrit, j’ai écrit, jusqu’à ce que, sans crier gare, le roman soit fini. Excité et tremblant de trouille, j’ai envoyé le manuscrit à plusieurs maisons d’édition sans jamais me demander si ce roman avait les qualités requises pour être publié (il ne les avait pas du tout, loin de là – il était vraiment très mauvais). Avec le recul, je me dis que ce n’était pas surprenant que personne n’ait voulu de cet amoncellement de paragraphes sans queue ni tête, mais j’ai quand même été extrêmement déçu quand j’ai reçu les lettres-types de refus. Tellement déçu que j’ai rangé le manuscrit dans un tiroir pour l’oublier à jamais. C’est ce que je croyais, en tout cas.

Les années ont passé. Après une rupture amoureuse et sur un coup de tête, j’ai lancé un blog en anglais. Oh, ce blog, je l’ai rempli, jour après jour, de petites histoires de ma vie, d’anecdotes de voyage, de conversations, d’expériences de mon passé, le tout très romancé, avec de temps en temps des poèmes qui me venaient spontanément à l’esprit dans le métro. Ce blog a eu un certain succès, avec presque un demi-million de visiteurs la première année (l’avantage d’écrire en anglais, c’est que l’on peut tout de suite avoir un large public), mais au bout de trois ans, l’exercice avait perdu de son attrait pour moi. J’ai donc fermé le blog, heureux tout de même qu’il m’ait permis de me remettre sérieusement à l’écriture. Je me suis lancé dans plusieurs projets – à ce jour, au moins trois romans attendent que je les reprenne et les finisse enfin (bizarrement, un en chacune des langues que je parle, allemand, français, anglais).

Avec toujours cette idée dans la tête que commencer un projet, c’est excitant, certes, mais en terminer un devrait être encore plus satisfaisant. C’est là que je me suis rappelé qu’au fond d’un tiroir, il y avait cette histoire de meurtres dans un hôtel-club du Péloponnèse Nord. J’avais un petit peu plus d’expérience en écriture, alors peut-être que ça en vaudrait le coup de regarder ça à nouveau… Je l’ai donc sorti du tiroir. Je l’ai dépoussiéré, j’ai ré-écrit quasiment tout (pour rappel, il était vraiment très, très mauvais), puis plusieurs relectures, corrections, création d’une belle couverture, mise en page… L’avantage quand on est graphiste, c’est que l’on peut faire tout ça soi-même.

Et… j’ai auto-publié mon premier roman. Le cercueil farci. Ensuite, je me suis mis à la traduction en anglais et allemand, et il est aujourd’hui disponible dans les trois langues, en version Kindle et en livre de poche. Même si je sais pertinemment que ce n’est pas l’ultime chef d’œuvre, je suis extrêmement fier d’avoir accompli ça (et content des commentaires encourageants que les lecteurs ont laissés sur amazon). Je sais aussi que je ne lâcherai plus jamais l’écriture. Actuellement, je travaille sur un deuxième polar, qui reprend les protagonistes du Cercueil farci et les plonge dans une nouvelle histoire de crimes et de meurtres, ainsi que sur d’autres projets. J’écris aussi des critiques en anglais sur Gay Book Reviews, et je gère maintenant ce site, pour lequel j’écris également des critiques, en français cette fois-ci.

Infos

Titre : Le cercueil farci
Auteur : Dieter Moitzi
Publié par : Autoédition
Publié le : 7 décembre 2018
Genre(s): Polar
Pages : 335

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2 commentaires sur “Damien Drechsler, l’écriture et le Péloponnèse Nord”

  1. Pour qui aime les polars, celui-ci est réellement enthousiasmant. L’auteur, Dieter, prend tout son temps pour tisser sa toile et manipule ses personnages en très habile marionnettiste. La toile de fond (un hôtel-club en Grèce et ses environs pendant des vacances d’été) n’est pas anecdotique et l’auteur ne craint pas de rendre compte des lieux et des paysages avec une précision très suggestive. L’intrigue policière (avec une enquête menée par le narrateur qui n’est en rien policier !) conduit le lecteur sur de multiples pistes avant de déboucher sur la révélation finale. Enfin, l’été grec au bord de la mer étant souvent synonyme de sensualité, c’est bien le cas dans ce récit avec le couple plein de charme Damien / Nikos.
    Un seul petit regret : des fautes d’orthographe qu’une relecture supplémentaire aurait sans doute permis de corriger. Cela n’empêche pas que la lecture de ce roman, le premier de son auteur, soit un vrai délice.

    1. Merci, Christophe, et je suis content que ce roman vous ait plu! Pour les fautes, aïe, je sais! On relit, relit, relit, et à la fin, on ne voit même plus les choses les plus évidentes (et embarrassantes, soit dit entre nous). Malheureusement, je ne connaissais pas encore celle qui, désormais, me sauve de ce genre de remarques avec sa paire d’yeux de lynx. Je songe depuis un moment à faire passer cet ouvrage entre ses mains expertes… peut-être devrais suivre le fameux conseil de Bourvil: « Le dire c’est bien, le fer, c’est mieux »? 😉

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