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Kerguelen (par ParisDude)

Synopsis

Octobre 86, Au Pays de Galles, le révérend Jones remet son âme à Dieu. Le même jour en Bretagne, dans une demeure sur la côte, une autre vie s’achève. Et plus loin dans les terres, au hameau de Kerguelen, le très discret Dafydd Thomas quitte à son tour le monde des vivants, sans même avoir vu venir le coup mortel.

De passage en Bretagne, Gwilym Jones, journaliste et fils du révérend, reconnaît Thomas sur une photo, et croit voir un lien entre sa fin tragique et d’anciens drames survenus de chaque côté de la Manche au début et au milieu du siècle. Un mot lui revient en mémoire : « Llydaw »…

Thomas aurait-il trouvé autre chose que l’oubli dans son hameau perdu de Bretagne ? Que cherche exactement Jones, dont la présence trouble profondément l’ex-inspecteur Monroe ? Et cette maison là bas sur la côte, pourquoi tourmente-t-elle tant ses occupants ?…

Il faudra remonter le temps pour en savoir plus sur l’homme assassiné, et comprendre en quoi certains pouvaient souhaiter sa mort.

Entre passé et présent, de belles ou troublantes personnes vont se croiser : Gwendolen et Henri Thomas au lumineux amour, Gwilym et son élégante nonchalance, Glen un peu perdu, Lena la fantasque, Russe, Italienne, dompteuse de tigres, on ne sait plus trop mais amie véritable, le capitaine Godeffroy, lui aussi ami indéfectible…

Ici, ni brillant inspecteur, ni étonnant collaborateur, juste « des gens », dont chacun à sa façon fera avancer les autres, sur une route qui en mènera certains plus loin qu’ils n’auraient cru.

Mon avis

Une fois n’est pas coutume, je vais commencer mon compte rendu par la fin. Et vous dire, allez-y, courez-y, achetez ce bouquin. Un vrai petit bijou dans la lignée de ce que l’on appelle en anglais un cosy murder mystery, un polar cosy. Vous voyez (si vous maîtrisez l’anglais, bien sûr), ça ne donne pas la même chose en français, et les synonymes douillet ou intime ne nous avancent en rien non plus, alors restons-en au terme anglais. Il convient d’autant mieux que je soupçonne l’auteure, MC Combes, d’être plutôt fluent dans la langue de Chèquespire. Si ce n’est pas le cas, elle est en tout cas anglophile (comme moi) et a dû lire pas mal de littérature anglophone (comme moi), ça, je mettrai ma main à couper (non, pas vraiment, mais vous voyez ce que je veux dire). Ce polar, car c’en est un, entre autres, a ce je-ne-sais-quoi de british, de par sa délicatesse, sa retenue, son côté réservé, ses enchevêtrements, sa panoplie de protagonistes de premier et arrière-plan, tous avec un tout petit grain de folie, juste ce qu’il faut pour me plaire.

Le personnage principal est Glen Monroe, ancien policier, bien français malgré son nom, qu’il tient de ses ancêtres, parmi lesquels un grand-père écossais et une grand-mère irlandaise. Il a quitté son boulot, a divorcé de sa femme (galloise, celle-là – décidément), sans rancune par ailleurs, et s’est retiré dans un coin paumé de Bretagne que l’on devine du côté de la Baule. Ou plutôt, dans l’arrière-pays. Il possède sa petite maison dans un hameau de cinq masures appelé Kerguelen, vit avec son chien (nom : Le Chien) et vient d’adopter un chat (nommé Le Chat). Il fait un petit peu de dessin, un petit peu de photographie (publiant les deux chez un éditeur local sous le pseudonyme qui lui est resté de ses années de flic : Marylin ; vous voyez le topo, Monroe, Marylin, ah, ah…), fait un petit peu de généalogie et se complaît dans sa solitude, perturbée très souvent par le fantôme de son grand-père Fergus et plus souvent encore par sa voisine Lena. Celle-là, une perle, reine du coing, du franc-parler et des jurons en italien (mais attention, très empruntés – du genre, le ton fait la musique et transforme un farfalle en gros mot).

Puis, soudain, la population du hameau se réduit drastiquement car un voisin de Glen et Lena se fait zigouiller : Daffyd Thomas, originaire du Pays de Galles, presque cacochyme à cause d’un problème respiratoire, que Lena et la femme de ménage du Monsieur, Annick, retrouvent asphyxié dans un placard. Coup du hasard, le gendarme dépêché sur place n’est autre que l’ancien collègue de Glen, Godeffroy (je crois que l’auteure y met deux f), surnommé Bouillon parce Godefroy de Bouillon (belles références un peu partout), qui est ravi de retrouver là son vieux pote et lui demande de l’assister dans l’enquête. Autre coup du hasard, parmi les suspects initiaux un journaliste gallois ouvertement gay, Gwylim Jones, qui dès la première rencontre avec Glen ne laisse ce dernier pas indifférent. Étrange, lui qui n’a jamais lorgné les mecs, il se surprend d’un coup d’un seul d’avoir d’étranges sentiments pour ce vibrant homme.

L’intrigue se fraie ensuite un chemin entre fouilles dans le passé et du côté du Pays de Galles et du côté local (ose-t-on dire « breton » ? après un petit exposé très bien amené dans ce livre, je serai tenté de dire oui), rapprochements des deux hommes, interventions bien senties de l’inénarrable Lena – mon coup de cœur de l’histoire, je l’avoue – ainsi que de l’ancêtre-fantôme, pistes secondaires tantôt prometteuses tantôt cul de sac… Le tout dans une espèce de sérénité, de calme, de tranquillité dans laquelle l’on soupçonne fortement l’influence de ce coin un peu perdu de la France rurale.

Confession choc : je n’ai jamais mis les pieds en Bretagne. Alors, ne discutaillons pas autour du sujet si le coin où se déroule l’intrigue est en Bretagne ou pas (en tant qu’historien amateur et malgré le peu de connaissances de l’histoire locale, je dirais encore une fois oui), et s’il vous plaît ne m’envoyez pas des messages du genre « Comment ça se fait, au bout de presque trente ans en France, vous n’avez pas visité cette région magnifique ? », car je n’ai pas la réponse. C’est comme ça, et non, ce n’est pas l’envie qui me manquait, bien au contraire ; ça ne s’est pas (encore) fait, c’est tout. Si l’Office de tourisme de la Bretagne souhaite m’offrir un circuit exhaustif avec chauffeur (je ne conduis pas), sachez que je suis preneur. Surtout après la lecture de ce livre. Oui, il y pleut très souvent, mais après ce mois de Mai que je viens de vivre en région parisienne, ça ne me changerait pas des masses. Oui, il y a des brumes et des brouillards, mais ça peut donner un côté romantique et, surtout, photogénique, et j’aime bien prendre des photos.

J’ai beaucoup aimé ce livre, justement par son côté quasi british, comme mentionné au début. Pas de grandiloquences, pas de froufrous inutiles, pas de pompe et trompettes. Juste un récit très bien construit avec des personnages fort attachants. Il y en a en plus pour tous les goûts littéraires : pour les amis du polar (le polar cosy, je répète – ne vous attendez pas à des course-poursuites, des cliffhangers à gogo, des revirements de situation dramatiques et du grand suspense à en perdre haleine) ; pour ceux qui aiment les romances au long souffle et au rythme lent, sans déchirements, sans coup de foudre instantané, sans grands gestes (les deux mecs approchent de la cinquantaine, donc on y va un peu plus mollo) ; pour ceux qui adorent une petite pincée de surnaturel sans pour autant s’attendre à ce que le grand-père Fergus résolve l’enquête comme un fâcheux deus ex machina invraisemblable ; et enfin, pour ceux qui aiment découvrir des histoires d’antan, de fouiller dans les mémoires familiales, régionales, nationales et les souvenirs des maisons.

C’est un livre où on rentre dans la vie des gens, des gens ordinaires, et on y rentre sur la pointe des pieds, discrètement, pour voir un bout de leurs existences. Tout est porté par une grande bienveillance envers autrui, même ceux qu’on se met à soupçonner tour à tour d’être le meurtrier ou la meurtrière (j’ai changé mon fusil d’épaule plusieurs fois sans vraiment deviner la fin). Rien n’est grossier ou loufoque, tout s’emboîte avec une belle cohérence, glisse sur les rails d’une belle prose, elle aussi discrète et sans tonitruance. Malgré le rythme apaisé du récit, je ne me suis pas ennuyé une seule seconde – c’était comme si, regardant la pluie tomber sur un portail pendant une demi-heure, je me rendais compte que je me régalais (non, il n’y pas tout un chapitre sur ça, n’ayez crainte ; c’était juste pour donner une image, les amis). L’auteure laisse aux lectrices et lecteurs tout loisir de se peindre les personnages dans leur tête (physiquement, je veux dire) en donnant juste assez de détails pour nourrir l’imaginaire. Très, très chouette découverte, et donc bouquin chaleureusement recommandé.

Infos

Auteur : MC Combes
Titre : Kerguelen. Au Cœur de l’hiver
Publié par : La Geste Éditions
Publié le : 12 mars 2021
Genre(s) : Romance, Polar
Pages : 416
Disponible en : Broché
Lu par : ParisDude
Sensualité : 0 flammes sur 5

Note

5 étoiles sur 5

Où acheter

L’auteure nous a fourni un exemplaire gratuit de Kerguelen pour que nous puissions vous livrer une critique honnête et sincère.

3 commentaires sur “Kerguelen (par ParisDude)”

  1. 🙂 🙂 🙂 Je ris parce que je repassais par là et je me disais « Mince, j’ai eu la berlue, j’étais persuadée qu’il avait écrit Gwen, pff Emsi t’as encore écrit trop vite ! ».
    Mais non, ouf !
    Quelle idée aussi que de tirer plus vite que son ombre : ça c’est de la réaction !!! Gwen c’est joli aussi remarque, et je crois qu’il y a une Gwen dans le roman, côté gallois. Tous ces étrangers, aussi… 🙂

  2. Une fois n’est pas coutume, celui-là je l’avais lu avant toi ! 🙂 Mais comme ça ferait bizarre que je ne mette pas de commentaire, je dirai juste : le côté british oui j’adore, et je me suis régalée avec entre autres, le Sir, euh je veux dire « Monsieur » donné au chef par son lieutenant. Lena, ton coup de coeur a été un plaisir aussi à imaginer. Quant à Glen (pas Gwen 🙂 mais tu es excusé vu la somme de personnages qui doit cohabiter dans ton cerveau avec tout ce que tu ingurgites comme lectures!!!) et Gwylim, qu’on peut eux aussi imaginer comme on le veut (vive l’absence de descriptions physiques !!!) nos cinquantenaires y vont en effet avec une douceur que je trouve émouvante (et il faut dire que pour Glen, ce n’est pas évident de « franchir la barrière ») mais comme aurait pu dire Lena ‘Chi va piano va sano ». 🙂
    Le côté polar, bon là tu le dis très bien aussi (mais tu dis toujours tout très bien) : que les amateurs d’intrigues ultra chiadées (non ça tu ne le dis pas) n’achètent pas, il y aurait cruelle déception !
    Enfin, ce que tu dis de la cohabitation des genres c’est exactement ça, et c’est justement ce que j’aime (vu que, comme on l’aura compris au fil de mes envahissants commentaires, je déteste les tiroirs bien fermés et bien étiquetés). Le revers de la médaille, c’est qu’on est justement à une époque où il faut étiqueter, nommer, distinguer, classer, et… mince alors, ce n’est ni vraiment un polar, ni vraiment une romance, ni vraiment du surnaturel, ni vraiment du régional : m’est avis que la romancière n’a jamais bossé dans le marketing… 🙂

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