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Le Salon Marocain (de ParisDude)

Djalil Djezzar, "Le Salon Marocain"
Djalil Djezzar, « Le Salon Marocain »

Synopsis

*** Prix Découverte du Prix du roman gay 2019***

Yanis est un enfant non désiré né dans une famille musulmane ouvrière de province. Mohamed son père et Fatima sa mère sont croyants et pieux.

Pourtant Yanis, abusé durant toute son enfance par son père, tente sans résultat de se confier à sa mère, femme soumise et battue.

Une fois majeur, Yanis se retrouve à la rue. Il n’a que son intelligence, ses études et sa carrière pour s’en sortir. Il rencontre Nicolas avec lequel il se met en couple. Ce dernier l’aide à panser ses plaies.

Devenu un brillant Responsable Juridique et RH d’un groupe du CAC 40 à Paris, Yanis reçoit un message de sa sœur : son neveu est lui aussi abusé par Mohamed.

Notre avis

Difficile de rendre un verdict sur ce livre, qui m’a profondément touché par l’histoire douloureuse qu’il raconte et par l’incroyable force de caractère que dégage l’auteur, qui a été récompensé très justement par le Prix Découverte du Prix du roman gay 2019 pour ce récit que l’on devine aisément autobiographique. Par ailleurs, le synopsis de l’éditeur (voir ci-dessus) donne comme nom de protagoniste « Yanis », mais je n’ai pas souvenir que le narrateur, qui raconte son histoire à la première personne, ne mentionne ce nom (ni personne d’autre, en fait).

Le récit commence en province (à Lyon, si ma mémoire est bonne). Le protagoniste est le deuxième enfant, après la naissance d’une fille, de l’union malheureuse et sans amour entre un père ouvrier et une mère femme au foyer, les deux d’origine algérienne. La caractérisation de ces deux personnages frôle presque la caricature tellement ils semblent voués à l’incarnation jamais questionnée d’archétypes : le père est autoritaire, rude, violent, pater familias qui ramène l’argent, dictateur sans conteste de sa maisonnée ; la mère aimante s’avère tellement soumise que cet amour a souvent du mal à transparaître. Sans jamais se rebiffer, sans jamais essayer d’infléchir ce mari bourreau, elle joue le rôle assigné par sa culture et son éducation. On aurait pu croire ou espérer que d’avoir un fils transporterait le père de joie, mais hélas, le contraire est le cas : le père ne veut pas de cet enfant et le lui fait sentir dès son plus jeune âge. Pire, il abuse sexuellement de lui, essaie de lui barrer tout avancement scolaire, et le jette finalement dehors juste après le bac.

Mais le narrateur ne se laisse pas abattre ; il poursuit ses études, acharné, têtu, décidé de ne pas brader la chance offerte par ce pays qu’est la France, à laquelle il voue un amour et une reconnaissance sans partage (il le répète tout le long du livre). Parallèlement à ses études, il travaille et commence aussi à comprendre qu’il est différent des autres non seulement par son passé ou sa soif de réussir, mais aussi parce qu’il est gay. Un jour, il rencontre Nicolas, avec lequel il reste en couple pendant un bon bout de temps jusqu’à ce que ce passé lourd et difficile à digérer le rattrape – il se rend compte qu’il n’arrive pas à se construire, à s’épanouir dans ce couple, malgré l’amour qu’il ressent pour son compagnon. Il prétexte les nécessités de son ambition en termes de carrière pour rompre. D’ailleurs, cette carrière est fulgurante ; de stages prestigieux en postes fixes, il grimpe rapidement les échelons de grandes entreprises jusqu’au jour où… sa sœur lui révèle que ce père tant haï, tant redouté, et pourtant tant aimé malgré tout a également abusé du neveu du narrateur, un petit garçon handicapé. C’est là que le narrateur décide qu’il est temps d’affronter ses vieux démons, temps aussi d’obliger et sa mère et sa sœur, réticentes toutes les deux, de voir en face la réalité de ce bourreau qui leur a pourri la vie à tous les trois et qui s’attaque maintenant à une quatrième victime innocente.

Comme on peut le voir, ce n’est pas un sujet facile – au contraire, c’est du sérieux, c’est du lourd. Et pourtant, l’auteur réussit l’exploit presque impossible, à savoir de ne pas écrire ni un récit choc ni une confession pleine de bons sentiments ni un bouquin plombant. Je ne sais pas comment il a pu trouver toute cette force en lui pour non seulement subir toutes les choses qu’il raconte mais aussi pour les décrire, je ne dirais pas avec légèreté, mais avec un certain détachement et une résilience inouïe. Oui, en lisant le livre, j’ai souffert pour lui, j’ai eu de la peine, mais à aucun moment je me suis dit qu’il allait craquer. Quelque part, je sentais cette force à travers l’écriture, qui s’avère droite, sans fioritures, sans pesanteurs, sans calcul. Ce n’est pas un roman où l’on peut admirer telle technique littéraire astucieuse ou telle description poétique. Faire dans le grand geste de littérature n’est pas le but de ce récit, qui se veut une déclaration terre-à-terre de faits, maturée d’analyses et d’auto-analyses souvent très perspicaces. J’allais vers ce livre avec cette réticence que m’inspire parfois le genre de la confession autobiographique on va dire « sulfureuse ». Mais nulle « sulfurisance », si j’ose dire, dans ce livre, qui par sa sincérité et son dénuement en devient juste plus frappant encore.

Infos

Auteur : Djalil Djezzar
Titre : Le Salon Marocain
Publié par : Éditions Textes Gais
Publié le : 17 mai 2019
Genre(s) : Autobiographie
Pages : 220
Lu par : ParisDude
Sensualité : 0 flammes sur 5

Note

5 étoiles sur 5

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