Synopsis
C’est d’abord une histoire simple. Juste la poésie primale d’une rencontre. Et ce minimalisme se fait hymne à l’universel, à l’irréductible.
1997. Un soir de mai. Deux garçons. C’est devant la mer, océan Indien, à Saint-Pierre de la Réunion. Le mauricien se raconte. Le français est sous le charme. C’est le début d’une liaison. Ils décident de vivre ensemble. Aucune loi ne le leur permet, nulle part. Alors commence un interminable chassé-croisé entre les deux îles. Ce récit réfracte les impacts du no man’s land sur leurs existences. Contraints à la rébellion et à l’insoumission, ils larguent les amarres.
Amour, engagement, fraternité, amitié, solidarité, citoyenneté du monde : autant de caps à franchir.
En cette fin de millénaire, des missels étaient infiltrés et brandis illégalement dans les hémicycles de la République par des fanatiques intégristes. C’était le temps du débat sur le Pacs. Aussi, cette ode à la liberté est dédiée à Gisèle Halimi et Roselyne Bachelot, à tous ceux et toutes celles qui ont eu le courage de fronder ces oriflammes menaçantes et immuniser, un temps, contre leurs sauvageries doctrinaires d’un autre âge.
Cette histoire ne soutient aucune idéologie. Simple témoignage pour plaider l’abolition des aliénations imposées par les tyrans, les prêtres et les esclaves, tous impuissants selon Spinoza.
Mon avis
Une romance un peu différente, cette fois-ci, car située dans un cadre à première vue idyllique, mais avec un fond, lui, pour le coup bien plus sérieux. Nous sommes à la fin des années 90, sur l’île de la Réunion. Le narrateur, derrière lequel on devine aisément l’auteur lui-même (à 99%, dit-il dans une interview donnée à Ouest France, d’ailleurs) fait une de ces rencontres fortuites dont nos destins ont souvent un don indéniable. Il tombe sur un jeune et bel homme à la peau mate, aux traits de prince du Rajasthan mais à l’allure d’un écureuil qu’il faut approcher à pas de loup pour ne pas l’effrayer et le faire fuir. C’est Akram, un Mauricien qui est venu passer quelques jours de vacances sur l’île française, voisine, certes, mais ô combien distante de la sienne. Et dès les premières phrases, non seulement le courant passe, mais Akram avoue qu’il est malheureux dans son pays, écrasé par les traditions et surtout les exigences trop lourdes et surtout irréalistes de son père irascible. Surtout que le vieil homme veut le marier, de gré ou de force, alors qu’Akram aime les hommes.
Touché par cette histoire et la fragilité du jeune ainsi que par son côté paradoxalement fort et optimiste, le narrateur s’apitoie d’abord, s’entiche ensuite, puis décide d’aller le voir sur son île natale. Les deux tombent éperdument amoureux et essaient enfin de trouver par tous les moyens une issue à leur situation. Le narrateur a son travail à la Réunion, mais cette île a une politique très stricte vis-à-vis des étrangers, notamment venant des alentours – « Le bateau est plein, on ne peut pas accueillir toute la misère du monde, etc. » oblige, on connaît cette chanson pour l’entendre depuis toujours, ad nauseam. Il a de bonnes connaissances (et une méfiance justifiée) des administrations, travaillant pour elles en tant que formateur, et tente de trouver le petit truc, la faille, cette possibilité de mettre un pied dans la porte. En vain. Ou peut-être pas…
Je sais que les résumés, rédigés de façon succincte, ne donnent pas toujours envie de lire un ouvrage. « Hou là là, ça va être pesant, ça va être triste », on pourrait être tenté de se dire en lisant celui-ci. Mais il n’est est rien, je vous assure. Certes, le narrateur a ses accès d’aigreur (nicotinée et coca-colaïsée, j’ajouterais), ce qui, à la lecture de ses déboires, n’a rien d’étonnant. Mais, comment dire ? Le livre reste inondé de ce soleil, de cette luminosité de l’hémisphère sud que David Farmer sait si bien narrer. Quand il décrit des cadres, des soirées, des atmosphères, des humeurs, on se croit sur telle plage, dans telle crique, avec telle vue d’un ciel étoilé devant soi. On hume les effluves exotiques, on goûte les plats épicés, on sent les embruns iodés faire cristalliser une croûte de sel sur sa peau… C’est ça, d’ailleurs, la magie des mots, et l’auteur en est un amoureux inconditionnel, on le sent très rapidement. Comme tous les amoureux, il les cajole, ces mots, les caresse, les titille, les fait fructifier et fleurir de page en page. Ce qui plus est, il parsème ses réflexions sur la nature humaine ou un des personnages par des analogies et des métaphores bien trouvées et souvent érudites, puisant dans les mythologies indiennes et grecques (entre autres) pour bien asseoir son topo.
Oui, on a parfois l’impression d’assister au triste spectacle de Sisyphe tentant enfin de rouler son roc jusqu’en haut de la pente, et prenant connaissance de l’histoire du jeune Akram, on se prend au jeu. On voudrait donner un coup de main pour que ce putain de roc bouge engin dans la bonne direction. Mais la pente appelée administration est trop rude, et j’avoue que j’avais peur, à un moment, de tomber sur une fin triste. Je peux vivre avec autre chose qu’un Happy Ending, ne me comprenez pas mal ; mais je n’en aurais pas voulu pour cette histoire. Je ne vous révèle pas comment se termine ce calvaire, moult fois entrecoupé par des séjours du narrateur sur l’île de son jeune amoureux (là aussi, qu’est-ce que j’ai pu trembler à l’idée qu’ils se fassent surprendre dans une situation compromettante…), mais j’ai dévoré ce roman presque d’une seule traite.
Une belle romance sans guimauve, sans pathos, sans lourdeur, sans ciel rose ni torrides scènes de sexe (pour moi, ce n’est pas obligatoire), avec de belles découvertes et des passages d’une grande beauté. Deux êtres dont les chemins se croisent, qui se rendent compte qu’ils veulent continuer ensemble et qui font tout leur possible pour transformer ce rêve en réalité. Une belle leçon de courage et de persévérance, souvent nécessaires quand on lutte contre les moulins don-quichottesques d’une administration lointaine, amoureuse des seules règles centrales et donc déshumanisée. Comme c’est le premier tome d’une trilogie, selon l’annonce de l’auteur, j’ai hâte de lire la suite, et je vous recommande donc de vous plonger dans ce premier opus.
Infos
Auteur : David Farmer
Titre : Le Cap des affranchis
Publié par : Les Presses Littéraires
Publié le : 9 mars 2021
Genre(s) : Romance
Pages : 198
Disponible en : Broché & Ebook
Lu par : ParisDude
Sensualité : 0 flammes sur 5
Note
5 étoiles sur 5
Où acheter
L’auteure nous a fourni un exemplaire gratuit de Cap des affranchis (pour la petite histoire, exemplaire qui s’est perdu dans la nature, du coup, nous l’avons racheté sur nos propres deniers car nous avions envie de le lire quand même) pour que nous puissions vous livrer une critique honnête et sincère.
Partager :
- Cliquer pour imprimer(ouvre dans une nouvelle fenêtre)
- Cliquez pour partager sur Twitter(ouvre dans une nouvelle fenêtre)
- Cliquez pour partager sur Facebook(ouvre dans une nouvelle fenêtre)
- Cliquez pour partager sur Reddit(ouvre dans une nouvelle fenêtre)
- Cliquez pour partager sur Pinterest(ouvre dans une nouvelle fenêtre)
- Cliquez pour partager sur Tumblr(ouvre dans une nouvelle fenêtre)
Belle critique . J’ en partage chaque mot.
J’ai eu le bonheur d’ interviewer David Farmer sur notre radio C Lac ( ex radio campus Rennes) .https://www.c-lab.fr/article/art-et-culture/le-cap-des-affranchis-de-david-farmer.html
Bonjour, content que la critique vous plaise… je crois que David m’avait envoyé le lien par FB 🙂
Attends : ce n’est quand même pas TOI qui va parler de résumés succincts !!! Les tiens prennent au contraire le temps de dire les choses, choses qu’ensuite tu complètes par ton avis sur le bouquin, lequel avis donne encore d’autres indications sur l’histoire (j’ai fini ma phrase, là). L’art de résumer n’est pas donné à tout le monde; Ce que j’aime dans les tiens (de résumés) c’est que ça ne sent pas la « synthèse » (je déteste ce mot et le concept) c’est plutôt comme la présentation d’un « trajet » dans lequel tu nous proposes les arrêts ou les points de vue qui t’ont parlé à toi. Quelqu’un d’autre faisant ce même trajet ne s’arrêterait pas forcément aux mêmes endroits. Il se trouve que moi tes haltes me parlent.
Une fois de plus, tu sais donner envie de lire le livre que tu présentes, et ouf, je dois me montrer sage côté finances pour diverses raisons, dont l’envie d’un peu gâter mes petits z’enfants cet été n’est pas la moindre.
La vraie sagesse consisterait à ne pas te lire (sauf tes écrits ! Je viens de terminer Putain ordinaire et contre toute attente – en tout cas contre mon attente à moi, car tu m’emmènes dans un monde dont je n’ai absolument pas les codes – j’ai été totalement séduite, et je vais donc laisser un commentaire sur Amazon), donc, la vraie sagesse… mais bon, je me contente d’une fausse one, et d’une wish list qui, à cause de tes résumés absolument pas succincts, va s’allongeant…
Tu sais, me lire ici est gratuit. Forcément, si après, ça te donne envie de lire les livres dont je parle, c’est une autre paire de manches, et je concède que ça peut vite grimper pour les dépenses 😉 Et merci pour tes mots gentils concernant mon bouquin, ça me fait chaud au cœur 🙂