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La Parenthèse désenchantée (de ParisDude)

Synopsis

Les années quatre-vingt. L’âge d’or du cinéma, de la musique et de l’économie en France. Mais aussi la fin de l’insouciance sexuelle née de la décennie précédente. En effet, un nouveau virus fait son apparition avec quatre lettres qui font froid dans le dos : SIDA. C’est dans ce contexte paradoxal où les espoirs du jour se mêlent aux craintes de la nuit que gravite Sébastien. Ce jeune homosexuel cherche sa place dans une société peu encline à son orientation et lui rappelle au quotidien « sa différence » … L’homophobie est là, omniprésente autour de lui. De plus, il ne connaît quasiment que des rendez-vous manqués, des occasions ratées. Le sort s’acharne lorsqu’il est victime d’un viol pendant son service militaire. La « grande muette » porte alors bien son nom et tente d’étouffer l’affaire, mais cette dernière va rebondir jusqu’à un dénouement inattendu. En se replongeant dans le contexte de l’époque, l’auteur pose en filigrane des questions qui, quarante ans plus tard, demeurent d’actualité. Un véritable tour de force pour une vraie réflexion sur un sujet longtemps « clivant ».

Après le succès de Coupable d’innocence qui relate un fait divers réel, Philippe Beau révèle ici tous ses talents pour la fiction romancée. Son récit est toujours aussi rythmé et haletant et l’histoire particulièrement bien construite. Une heureuse récidive… 

Notre avis

Encore un livre que j’ai ouvert avec presque de l’appréhension. Auteur et maison d’édition qui ne m’étaient pas familiers, sous-titre et présentation du livre presque déprimants… je ne savais pas du tout ce qui m’attendait. Mais c’est ça, la beauté du monde littéraire : on se jette dans l’inconnu, au risque d’être déçu, mais avec toujours l’espoir que le contraire se produira. Et je le dis d’entrée de jeu, oui, c’est qui m’est arrivé avec ce roman. Dès les premières phrases, dès les premiers paragraphes, j’ai été happé et emporté par l’histoire.

Et pourtant, ça commence sur les chapeaux de roue, et pas de la façon la plus douce, la plus engageante possible. Une chambre d’hôpital, un narrateur à la première personne qui souffre, qui désespère, qui veut que ça finisse, et qui pourtant, on le devine rapidement, est beaucoup trop jeune pour mourir. Aïe. Un coup de poing dans le ventre qui m’a cueilli comme une fleur de printemps alors que le mien (je parle de mon printemps) est quand même loin, loin, loin dans le passé. Ce narrateur, qui ensuite laisse sa place à une narration à la troisième personne racontée par ce que l’on appelle, en littérature, un narrateur omniscient, s’appelle Sébastien. Natif de la France septentrionale, fils d’une mère protectrice et d’un père disparu quand il n’était qu’un nourrisson.

Très tôt, Sébastien se heurte à ses pairs. Il est différent, et on le lui fait sentir partout. Seuls sa mère et son meilleur ami sont toujours là pour le défendre et lui donner de l’amour. C’est avec ce meilleur ami, d’une famille de commerçants d’origine espagnole, qu’il connaît ses premiers émois à la préadolescence. Or, ce garçon se détourne de lui un jour, le rejetant brutalement, on devine à cause de la pression familiale et sociétale. Sébastien est trop différent, et personne ne veut que cette différence rejaillisse sur soi-même. Ne lui reste plus que sa maman, mais même elle ne peut rien pour lui quand il se fait vicieusement et violemment attaquer au retour de l’école. La police, guère intéressée, classe l’incident sans suite, se moquant éperdument des plaies que ça peut laisser à un enfant.

Après, l’on suit Sébastien à un lycée professionnel préparant aux métiers de la bouche et de l’hôtellerie, à son premier emploi à Lyon, à ses amitiés, sa « première fois », son premier grand Amour avec A majuscule, son premier gros chagrin d’amour aussi, puis son appel à faire son service militaire. Et c’est à partir de là que le récit dégringole vers l’horreur, ou plutôt, vers les horreurs qui finalement permettent de boucler la boucle insinuée par le tout début du roman.

Triste, ce livre ? Oh oui, triste à souhait, triste à pleurer, triste à vouloir hurler aussi. D’impuissance, de haine face à l’injustice et à la bêtise humaine, de dégoût du monde décrit, qui n’est pas si lointain (les années 70 et 80). L’histoire se déroule avec l’obstination irréfléchie, irresponsable d’un mouvement d’horlogerie suisse (irréfléchi et irresponsable car c’est une mécanique) ; elle va du point A au point Z avec la précision inexorable et presque froide d’une tragédie antique grecque. On sait d’emblée ce qui va se passer, on aimerait éviter d’aller dans cette direction, on aimerait qu’une délivrance intervienne, mais les dés sont jetés dès le départ. C’est la faute à pas d’chance, comme le répètent (et comme le réfutent) souvent les protagonistes. Même les moments les plus lumineux, qui donnent à espérer que le point Z se transforme peut-être, par on ne sait quel miracle, en un simple point B, voire V ou W à la rigueur, ne sont que de ces leurres que les Grecs, justement, savaient si judicieusement intégrer dans leurs drames les plus sombres. La lumière qui rajoute encore plus de noirceur au bouquet final.

Je sais que mes phrases pourraient ôter l’envie à beaucoup de lectrices et lecteurs de lire ce récit. Ce serait une erreur, je pense. Car la tristesse, le sentiment d’impuissance, de révolte, ça peut toujours aboutir à une prise de conscience, à ce fameux « Indignez-vous » cher à Stéphane Hessel. Et il faut que je précise – l’histoire suit une mécanique (celle voulue par l’époque dans laquelle elle se déroule), mais pas celui qui la narre. L’auteur a un don, que dis-je, un immense talent de montrer en racontant (une fois n’est pas coutume, ça collait, cette fois-ci), de nous faire entrer dans les personnages, que ce soit Sébastien, que ce soit sa mère (une véritable Mère Courage sublime dans son amour inconditionnel), que ce soit le jeune malheureux qui fait foirer la première histoire d’amour par son inconsistance. L’écriture est fluide, sans lourdeur, sans fausse sentimentalité, toute en justesse, pesant les mots, choisissant à bon escient le bon angle de narration à chaque instant. Même la fin, que l’on a vite fait de deviner, surprend par la façon de laquelle elle est amenée – presque pudique, mais ô combien efficace. Si elle avait été contée de manière plus directe, l’impact immédiat aurait été plus fort, mais l’impact qui dure s’en serait vu amoindri.

Donc, sujet(s) abordé(s) pas facile(s), un premier chapitre assez dur à avaler (il est court, donc ça va), mais je vous exhorte à y foncer, à vous y mettre, à persévérer. J’ai vraiment été touché, bouleversé par ce récit, qui prend tout de suite sa place dans mes coups de cœur, et je dis haut et fort à l’auteur : bravo, l’artiste.

Infos

Auteur : Philippe Beau
Titre :
La parenthèse désenchantée. Itinéraire d’une jeunesse assassinée
Publié par :
Les Presses du midi
Publié le :
1er octobre 2022
Genre(s) : 
Littérature, SIDA, Homophobie
Pages :
206
Disponible en : Broché
Lu par : ParisDude
Sensualité : 0 sur 5

Note

5 étoiles sur 5

Où acheter

Le mot de l’auteur

J’ai souhaité par ce roman, cette autofiction volontairement « sans filtre », aborder l’homosexualité en général et développer certains points en particulier.

– La découverte de leur orientation est parfois problématique chez les jeunes. Vivre avec cette « différence » n’est pas quelque chose d’anodin. Le regard des autres est souvent cruel, dévastateur, au résultat parfois catastrophique.

– Ce livre se veut aussi le reflet d’une époque et d’une certaine jeunesse : Si les années 60 à fin 70 étaient la « parenthèse enchantée », pour reprendre la jolie formule de Françoise Giroud, la nouvelle décennie devient celle du désenchantement … Celle d’une liberté crucifiée avec l’arrivée de cette terrible maladie aux quatre lettres meurtrières : SIDA.

– J’aborde également l’homophobie, par des mots simples, parfois crus, ceux de la vraie vie. Je souhaite alerter le commun des mortels et bousculer les « bonnes consciences ». Ce fléau, ce « cancer », cette discrimination envers la population LGBT+ est malheureusement encore présente, et toujours d’actualité… au XXIème siècle !

L’écriture de cet ouvrage m’était indispensable, sa parution sera ma « récompense », et je l’espère, celle de toute une communauté injustement malmenée et encore trop régulièrement discriminée.

L’auteur

Né en Saône & Loire, aux portes du Morvan, Philippe Beau commence dès les années 1980/1990, à « croquer » sa campagne natale. Il est apprécié lors de différentes expositions pour le réalisme de ses tableaux, aquarelles puis acryliques. Même si son succès reste local, l’important pour lui est ailleurs. Réussir par l’art à exprimer ses sentiments et à
les partager, reste l’essentiel et son véritable plaisir. Sa devise en dit long… « Souviens-toi de vivre. Aujourd’hui d’abord. »

Puis, découvrant plus en détail l’histoire régionale, naît alors son premier livre, où il rend hommage à sa grand-mère maternelle et à toute une génération (livre enrichi par d’autres, toujours sur sa région natale, à partir des années 2000).

Viennent ensuite quelques rencontres marquantes, comme avec l’artiste Mick Micheyl qui le soutient dans sa peinture ou avec le funambule international Henry’s, dont il signe la biographie (Henry’s, préface de Michel Drucker. Éditions du Poutan). Philippe retrace également la saga de musiciens stéphanois, les Brun, le parcours de la famille Streble, marionnettistes lyonnais, et l’incroyable aventure de l’Espace Zoologique de Saint-Martin-la-Plaine, entre Lyon et Saint-Étienne (préface de Brigitte Bardot. Éditions du Poutan).

Il signe en 2021 un ouvrage témoignage, Coupable d’innocence. Par ce livre, il revient sur un épisode marquant et explique comment sa vie a basculé lorsque son ex-femme lui a avoué le meurtre de son patron. Au-delà de cette histoire sordide, Philippe souhaite faire comprendre que les proches de criminels sont des victimes à part entière, mais des victimes non reconnues (préface de Jacques Pradel. Éditions Les Presses du Midi).

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