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L’année buissonnière (de ParisDude)

Synopsis

Entre innocence et premiers émois « coupables », avec la tendresse si propre à un âge qui n’est plus l’enfance mais pas encore l’âge d’homme, l’histoire d’Yves, commence entre les quatre murs d’un collège « sentant la caserne et le séminaire ». Les élèves y sont soumis, pour le salut de leur âme, à une surveillance stricte. Yves s’éprend, pour un de ses camarades, d’une amitié fervente et singulière. Dans le monde clos d’une institution religieuse des années 50, bouillonnant de passions étouffées, il fait la découverte de son corps, nié avant même d’être connu. L’éveil de son désir, l’ivresse des commencements à laquelle se mêlent le latin, les vies de saints, la liturgie et l’odeur du buis, provoquent l’accident, l’irréparable, le geste d’amour. Crimen Amoris. Et c’est aussi la découverte de la trahison. Son année de Troisième sera-t-elle une année buissonnière ?

Notre avis

La France dans les années 50. Yves, jeune collégien bien comme il faut, fréquente l’école religieuse de sa petite ville de province, bien comme il faut elle aussi, en tant qu’externe. Il observe avec un certain détachement les contraintes et l’atmosphère presque claustrophobique de cet univers clos et régi par d’innombrables règles, de morale, de bienséance surannées, que l’on ne se donne même pas la peine d’énoncer ou expliciter car on a toujours fait comme ça et parce que ce que l’on prône dans cet établissement est seul convenable. En revanche, unique révolte peut-être du garçon, il se garde une certaine liberté intérieure, tue et cachée, pour pouvoir supporter la tyrannie de son quotidien.

De toute façon, dans le monde dans lequel il vit, à l’époque qui est la sienne, à qui pourrait-il parler des tumultes qui l’assaillent ? À qui pourrait-il s’ouvrir sur le fait que la simple vue de Johnny Weißmüller en minuscule pagne, torse glabre et nu, jambes et épaules puissantes, le trouble ? Qu’il rêve d’aventures lointaines, de découvertes, mais avant tout de corps masculins ? Et à qui révéler qu’il s’est épris de son camarade de classe Rémi. Ah, le beau et insondable Rémi, qu’Yves se targue d’appeler son ami, dont il guette tout mouvement, dont il hume l’odeur, dont il redoute autant qu’il l’espère tout frôlement de jambe quand ils sont assis côte à côte en salle de classe… Et un jour, Rémi profitte de cet amour palpable et confie à Yves une mission importante : assurer ses échanges épistolaires avec sa cousine – toute correspondace autre qu’avec parents ou sœurs et frères est proscrite dans cette école, alors seul un externe peut mener à bien ce genre de liaison quoiqu’innocente, à première vue, mais tout à fait illicite aux yeux des maîtres des lieux.

Et ainsi, le drame se déclenche.

J’avoue qu’après avoir lu ce roman, je suis resté assis un instant pour reprendre mon souffle. Et même maintenant, quelques semaines après la lecture, je reste toujours imprégné de ce récit. C’est que l’histoire est pregnante et prenante, sans être traumatisante, et que l’écriture légère, subtile et délicate sublime l’intrigue. Tout, dans ce livre, est atmosphère et tendresse, les mots s’enchaînent avec beauté, les émois de ce jeune garçon ainsi que son environnement suffocant deviennent palpables. J’y ai senti des évocations de Wedekind, notamment de sa sublime tragédie enfantine (ainsi en est le sous-titre voulu par l’auteur) L’Éveil du printemps (Frühlings Erwachen) de 1891, jouée pour la première fois en 1906 seulement (!). Ou encore celles de Robert Musil et de ses Désarrois de l’élève Törless (Die Verwirrungen des Zöglings Törless, 1906). J’y ai trouvé les mêmes problèmes de l’adolescent confronté à un corps qui se métamorphose et à l’éveil de désirs sur lesquels il est difficile de mettre un nom. Le carcan de la société, les non-dits, les silences, les choses impossibles à dire aussi, les angoisses et les amours… Et, pour Yves, la certitude que ses désirs et amours à lui lui vaudront exclusion, haine, rejet.

Vraiment un roman magistral que cette Année buissonnière ! Je ne sais pas si Yves est l’alter ego (romancé ?) de l’auteur Yvan, si c’est est donc, d’une manière ou d’une autre, son propre récit, ou si Yvan est « juste » un excellent conteur qui sait faire renaître un monde lointain jusque dans les moindres détails (titres de films, de livres, etc.) de telle façon à ce que l’on s’y trouve plongé entièrement. Ce que je sais, c’est que j’ai vraiment beaucoup aimé ce roman, admirablement écrit, évocateur, empreint tantôt d’une naiveté touchante d’ado, tantôt d’une grande mélancolie. Par ailleurs, je m’attendais dès le début, à l’instar des ouvrages de Wedekind et Musil cités plus haut, à une fin tragique. Mais là aussi, l’auteur, sans virer dans la guimauve facile et surtout peu crédible, a su me surprendre.

Beaucoup de livres m’ont plu, cette année. Beaucoup m’ont touché. Mais aucun si profondément que celui-ci. Pour moi, un chef d’œuvre que je recommande sans retenue.

Infos

Auteur : Yvan Quintin
Titre :
L’année buissonnière
Publié par :
ErosOnyx Éditions
Publié le : 
7 mai 2021
Genre(s) : 
Coming-out, adolescence, roman historique
Pages : 
161
Disponible en : Broché
Lu par : 
ParisDude
Sensualité : 0 flammes sur 5

Note

5 étoiles sur 5

Où acheter

L’auteur nous a fourni un exemplaire gratuit de L’année buissonnière pour que nous puissions vous en livrer une critique honnête et sincère.

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