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Les Chevaux sauvages (de ParisDude)

Synopsis

Depuis un drame familial qui remonte à l’enfance, Axel reste enchainé à sa rancœur et à un sentiment de culpabilité qui étouffent sa rage de vivre. Il traverse la vie comme un funambule, entre addictions, errances illusoires et quêtes affectives inabouties. Cependant, sa rencontre insolite avec Chloé l’aide à reprendre un peu confiance en lui. Puis, lorsque par son intermédiaire il fait la connaissance de Quentin, Axel a enfin l’impression d’exister. Pourtant, chaque fois qu’il est sur le point de se révéler, il est vite rattrapé par ses doutes. Amitiés troublantes, attirances contrariées, Axel devra trouver l’équilibre après lequel il court depuis toujours, s’il ne veut pas replonger avec ses fantômes.

Notre avis

Aujourd’hui, un excellent roman, que je voulais vous présenter avant la fin de l’année pour vous le signaler en tant qu’un de mes véritables méga-coups de cœur 2021. C’est l’histoire d’Axel, un jeune Parisien paumé qui a mal dans sa peau, mal dans sa vie, mal tout court. Il (sur)vit en acceptant, de temps en temps, des petits boulots, essentiellement dans un des innombrables bars de la capitale. Il reste en poste jusqu’à la prochaine embrouille avec le patron. Le studio de Montmartre qu’il habite appartient à sa mère, avec laquelle il essaie d’avoir le moins de contact possible. Ils n’ont rien à se dire ; elle n’a jamais été plus q’une ombre, une silhouette, dans sa vie. Son père ? Carrément aux abonnés absents depuis longtemps.

Avec son seul ami régulier, Guillaume, étudiant, il partage l’amour du rock (pendant son temps libre, Guillaume se produit avec son propre groupe) et des concerts. Mais Axel passe le plus clair du temps à éviter d’être « clair », justement. Soit il se pinte, soit il fume un (des) pétard(s), soit il sniffe un rail de coke, soit les trois à la fois. Tout pour ne pas sentir, ne pas penser, ne pas se souvenir. Car oui, il porte en lui quelques lourds secrets qui lui empoisonnent la vie et qui l’empêchent d’aller de l’avant. Il semble fuir tout le temps, semble constamment partir en courant, d’une situation ou d’une autre. À cause de ses addictions, il se retrouve aussi régulièrement dans des positions inconfortables, glauques, voire dangereuses.

Sa situation semble changer lorsqu’il rencontre la jeune étudiante Chloé, qui, si elle ne tente pas de jouer l’analyste pour lui, fait tout de même office de catalyseur car elle est prête à l’écouter, à le soutenir, à rester à ses côtés. Elle met aussi des limites à ne pas dépasser, formule des exigences, des espoirs, des aspirations. Pour la première fois de sa vie, Axel a l’impression d’aller vers quelque chose, non pas fuir quelque chose. Puis, il fait la connaissance de Quentin, un jeune Breton quelque peu spécial, à l’esprit torturé, à l’imagination débordante et poétique, qui vit dans sa bulle et ne se livre pas facilement. Quentin est un peu comme ce cheval sauvage Pango qu’il laisse courir en (presque) totale liberté dans le haras familial en Bretagne. Et Axel se retrouve confronté à un choix qui pourrait lui amener sérénité et bonheur, mais qui risque aussi de causer du mal aux gens qu’il a fini par laisser entrer dans son monde et dans son cœur.

Quel magnifique, magnifique roman ! Il m’a pris aux tripes dès les premiers paragraphes pour ne pas me lâcher jusqu’au dernier. J’ai souffert, j’ai souri (souvent les larmes à l’œil), j’ai espéré, j’ai désespéré, mon cœur a battu plus vite, plus fort, plus intensément. D’abord, cette histoire d’une tristesse sans nom, ce parcours presque inextricable d’un jeune homme qui, au moment où l’on se cherche, a dû affronter douleurs et pertes à lui couper le souffle, les ailes et l’envie de chercher les lendemains. Axel est brisé, mais il ne se l’avoue pas vraiment. Il est aveugle tout en se croyant clairvoyant (bon, sa clairvoyance penche plus vers l’obscur que la lumière, mais ça se comprend). Il a l’impression de vivre à cent à l’heure, de brûler la chandelle par les deux bouts, de profiter de sa jeunesse quand, en réalité, il stagne, fait carrément fondre la chandelle au lieu d’allumer ne serait-ce qu’un seul bout et enfile, comme les perles d’un chapelet, connerie sur connerie, acte irresponsable sur acte irresponsable. Son existence est un seul cri au secours, sauf qu’il rejette tous ceux qui veulent le lui porter.

Axel, c’est ce mec que je voudrais prendre dans mes bras, que je voudrais guérir tout seul, sans assistance extérieure, surtout pas, parce qu’il m’émeut, parce qu’il touche des trucs profonds en moi, peut-être quelque plaie personnelle mal soignée, quelque blessure ignorée.

Il est vrai que je me suis demandé, pendant très longtemps, si c’était vraiment un bouquin à présenter sur ce site, qui s’appelle, après tout, livresgay. Pour être honnête, je pense que je vous en aurais parlé, quoi qu’il en soit, même si la seule trame romantique avait été celle, présentée longuement, tout en finesse et subtilité, entre Axel et Chloé. Mais surgit Quentin (après un quart du livre à peu près ?), le fascinant Quentin, qui du coup n’a pas seulement capté mon attention (pour disparaître pendant encore un long moment dans l’intrigue, le sacré loustic, et on se demande s’il va revenir), mais aussi celle du protagoniste. Qui, sur un coup de tête, va le rejoindre dans sa Bretagne adorée : « Hier soir j’ai entassé tellement d’affaires que la fermeture du sac menait de péter. La tour Eiffel s’est mise à scintiller, comme toutes les heures quand la nuit tombe, et j’ai soudainement compris que c’était autant de poignées d’étoiles qu’elle balançait dans le ciel. Elles ont attendu que je m’endorme pour former des passerelles mais dans mon rêve elles étaient encore fragiles. »

Et c’est là que ça devient « de la came pour livresgay » (à quasiment deux tiers du livre !). Que ça devient de la « came pour mon cœur de midinettes ». Sans être amené ou abordé de façon « midinette », justement. Mais délicatement, doucement, adorablement, de façon à ce que je tombe, moi aussi, sous le charme de ce jeune homme complexe, pas évident à décoder, mais si incroyablement riche qu’est Quentin. Et que je commence à espérer qu’Axel, que j’ai appris à aimer tout au long des pages, trouvera enfin de la stabilité, du goût à vivre, du bonheur.

Ce qui porte ce livre, ce qui le remplit d’une étrange luminosité malgré la noirceur qui devrait envelopper le récit, c’est l’écriture. D’accord, je vous préviens d’emblée : les pourfendeurs de l’absence du « ne » dans les négations, soit passez votre chemin, soit prenez un Lexomil (ou plus fort), car vous ne trouverez nulle trace de cet adverbe de négation dans tout le bouquin. Je préfère le signaler car on m’a déjà reproché de faire l’impasse sur le « ne » dans certains dialogues de mes propres romans (« c’est chiant à lire, à la longue », ai-je entendu à ce propos, entre autres…). Je tiens aussi à souligner que je ne suis pas un fan inconditionnel du procédé qui consiste à enlever ce petit mot. Mais je n’ai jamais trouvé que ça rendait la lecture plus difficile. Franchement, combien de fois entendons-nous ce « ne » au quotidien, mis à part dans la bouche de personnages qui s’expriment en public, que ce soient des journalistes, académiciens ou politiciens ? Personne ne l’utilise à l’oral, personne. Et avons-nous du mal à comprendre les phrases pour autant ?

Je ferme cette petite parenthèse. Tout ça pour dire que cette technique donne, à mes yeux, un côté vivant, immédiat, jeune, haletant, essoufflé même. Un flux naturel, comme si quelqu’un nous susurrait l’histoire à l’oreille. Surtout quand c’est utilisé avec constance, surtout quand c’est par un protagoniste comme Axel (qui, en plus, nous parle à la première personne), surtout quand ça sert l’intrigue. À part ce détail, quelle merveille que l’écriture que j’ai découverte, là ! Lucas Novèze a un talent fou, il réussit à mélanger langage de « d’jeunz » (sans trop en faire), écriture elliptique, grande poésie dans l’utilisation des scènes, des mots, délicatesse dans les propos, fragilité et force, le tout maturé de métaphores parmi les plus belles que j’aie jamais vues car elles sont accessibles tout en étant neuves, fraîches, inattendues.

Oui, comme vous pouvez le constater par la longueur de cette chronique, j’ai adoré ce roman. Il est très fort, très émouvant, avec du noir, du doré, du rouge, de l’orange – toutes les couleurs que le ciel breton peut offrir dans une seule journée, quoi. Il m’a aussi donné envie d’enfin aller explorer la Bretagne (oui, je n’ai toujours pas mis les pieds là-bas, honte à moi !). Et surtout envie de découvrir le prochain ouvrage de cet auteur très, très prometteur (et Lucas, si vous avez décidé que Les Chevaux sauvages serait un one-shot, je vous JURE, je vous trouve et je vous botte le derrière, d’accord ?!!!).

Et vous autres qui lisez ces lignes passionnées – ce livre passionnant, d’une grande et rare beauté, il vous le faut ! Lisez-le, régalez-vous, et passez le mot autour de vous.

Infos

Auteur : Lucas Novèze
Titre :
Les chevaux sauvages
Publié par : 
Le Lys bleu
Publié le : 
1er février 2021
Genre(s) : 
Romance, Coming Out, Quête de soi
Pages : 
400
Disponible en : Ebook & Broché
Lu par : 
ParisDude

Note

5 étoiles sur 5

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À propos de l’auteur

Lucas Noveze grandit dans une cité de la banlieue parisienne avec l’idée que l’on doit avancer avec ses convictions. Sur ce chemin, il comprend également l’importance de rêver si l’on veut profiter avec force des instants de la vie sans se laisser dominer par les codes trop rigides de la société. Avec sa plume, il apporte un éclairage personnel sur les sentiments qui transforment parfois les silences en blessures.

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