Synopsis
Les chemins d’Andrew et de Milton se recroisent quinze ans après le lycée. Irrésistiblement attirés l’un par l’autre, les deux hommes doivent pourtant résoudre une enquête concernant des crimes violents !
Lors d’une fête d’anciens élèves du lycée Old Quay, Andrew Wells, enquêteur de la Criminelle à Londres, croise le docteur Milton Montgomery, un psychiatre récemment embauché par son chef. Dès le premier regard remontent à la surface des souvenirs au goût de peur, de sang… et une attirance irrépressible qui l’avait brisé. L’homme qu’il est devenu s’est enfermé dans un royaume de solitude et de coups d’un soir, courant après l’oubli et la jeunesse éternelle au fond des backrooms. Lorsqu’il apprend qu’ils vont devoir collaborer pour la résolution d’une série de crimes violents, Andrew craint que le cauchemar ne reprenne. Mais Milton a profondément changé lui aussi, il n’a plus rien du tourmenteur d’alors. Derrière les quêtes de pardon et de pouvoir, des sentiments vieux de quinze ans peuvent-ils reprendre vie ? Entre la colère ardente et la fournaise d’une attraction irrésistible des corps, les deux hommes se jettent l’un contre l’autre, au risque de se brûler les ailes. Explosion ou embrasement, après tout, ce n’est qu’une histoire de cordons à franchir…
Entre homo-romance et enquête, cette fiction érotique emportera le lecteur par sa qualité d’écriture et son style fluide !
Notre avis
« Es waren zwei Königskinder, die hatten einander so lieb… » C’est le début d’une ballade populaire allemande basée sur le mythe antique d’Héro et Léandre : « Il y avait deux enfants royaux qui s’aimaient tant et tendrement… », c’est ainsi que l’on pourrait traduire le texte. Et c’est ces lignes-là qui ont surgi dans ma tête à la lecture de Cordons de Gabriel Kevlec, le roman qui a remporte la Mention spéciale du jury du Prix du roman gay 2020.
Pourtant, aucun des deux protagonistes n’est un enfant royal. Andrew Wells, c’est sûr, ne passe pas ses journées à compter la vaisselle royale en or. Bien au contraire, enquêteur de la Criminelle de Londres, il patauge plutôt dans ce que l’humanité a de plus effroyable et de plus crasseux. Depuis ses jeunes années de garçon ouvertement gay, insignifiant et gauche avec ses lunettes en cul de bouteille, il a mué en beau gosse, son corps musclé est devenu sa forteresse derrière laquelle il a l’impression de pouvoir dominer le monde et les mecs. Acharné dans son travail, il mène une vie privée dissolue, entre Wiskeys, poppers, Raves, bars gay, accumulant les histoires d’une nuit et une profonde tristesse née de son immense solitude que seule sa collègue et meilleure amie Kathryn, femme vive qui ressemble à un rayon de soleil, semble pouvoir égayer un tant soit peu.
Arrive Milton Montgomery. Quoiqu’issu de la noblesse anglaise, lui non plus n’est pas un enfant royal. Lui aussi gère son lot de crasse humaine en tant que psychologue, que le service d’Andrew a embauché pour l’aider dans une enquête de meurtre difficile. Les deux hommes sont parfaitement à l’opposé l’un de l’autre. Là où Andrew est à fleur de peau, ne mâchant pas ses mots, symbolisant la force brute et vitale avec son corps brun sculpté et ses histoires de bourreau des cœurs et des culs, Milton représente la quintessence du noble anglais, peau d’albâtre, yeux froids couleur d’acier, corps androgyne, cheveux blond platine, visage impassible sauf quand il arbore une mine blasée et hautaine.
L’étincelle frappe aussitôt car ces deux hommes-là se connaissent de leurs années de lycée. Les rôles étaient alors clairement définis : Milton le tortionnaire, Andrew la victime, car poursuivi par ses camarades pour être gay. Chose étrange, cependant : en réalité, depuis leur dix-sept ans, ces deux-là sont vraiment comme les deux enfants royaux de la ballade allemande – « sie hatten einander so lieb, sie konnten beisammen nicht kommen, das Wasser war viel zu tief ». Ils s’aimaient tant et tendrement, mais ils n’arrivaient pas à se retrouver car les eaux qui les séparaient, comme dans la ballade, étaient bien trop profondes. Et elles le sont toujours. Après un premier clash violent, les deux hommes se tombent rapidement dans les bras (et atterrissent ainsi dans le lit), et une histoire torride commence à se mettre en place. Sauf que les deux doivent d’abord affronter leurs vieux démons, leurs peurs, doivent lâcher prise de leur passé pour ainsi permettre à un éventuel futur commun de poindre à l’horizon… Oui, les eaux qui les séparent ont vraiment l’air d’être aussi profondes que celles des Dardanelles qui empêchent les deux enfants royaux de la ballade de se rejoindre.
Disons-le tout de suite, disons-le clairement : y a du cul, dans c’bouquin. Et plutôt deux fois qu’une. Disons ensuite, tout aussi clairement, que l’intrigue en elle-même n’a rien de follement original. On connaît l’histoire : deux êtres que tous les obstacles du monde séparent (les plus grands obstacles étant eux-mêmes), mais qui tentent envers et contre tout de se retrouver au milieu pour voir s’épanouir leur amour. La preuve, les Grecs de l’Antiquité la chantaient déjà, cette histoire. Mais de toute façon, vu que ces Grecs ont été si prolixes, et vu que quelques siècles nous séparent d’eux, des siècles où d’autres écrivain.es ont eu tout loisir d’inventer d’autres histoires, il est difficile, voire impossible de créer du neuf. Toutes les histoires ont déjà été racontées, d’une façon ou d’une autre.
Ce qui distingue donc un vulgaire énième rabâchage d’une trame ancienne comme le monde d’un ouvrage foncièrement captivant, c’est la façon de laquelle cette trame est présentée. Et je dois dire que Gabriel Kevlec m’a happé dès les premières pages de ce livre et ne m’a relâché qu’au dernier point final. Le livre est vraiment très, très bien écrit, le langage employé y joue un rôle presque aussi important que les deux protagonistes, qui nous livrent leur récit en alternance, avec toutefois une prépondérance pour les chapitres dédiés à Andrew Wells, le loup solitaire aux œillets solides qui l’empêchent de regarder la vérité en face. Ainsi, les scènes de cul, pour rester dans le registre cru que j’ai osé plus haut, sont beaucoup plus que ça : des leçons de poésie des corps, des parties de psychologie finement ciselées, où la réaction corporelle du lecteur, je l’avoue, va de pair avec un émerveillement de l’esprit né de l’utilisation si perspicace des mots.
Vous l’aurez deviné, j’ai adoré ce livre et rejoins le jury du Prix du roman gay – il a sûrement mérité de remporter son prix. Tout est bien réussi, la construction du récit, l’ambiance tantôt lugubre, tantôt lumineuse, les personnages principaux et secondaires, les lieux, les dialogues toujours bien observés. Le langage parlé frôle souvent l’argot, et je devine aisément que d’aucuns diraient : « Mais ça fait pas londonien, ça ! » Ben si, car le roman est écrit en français, donc tout le monde parle français comme si l’on parlait français à Londres. Écrire, c’est faire gober son « comme si » à ses lectrices et lecteurs, et Gabriel Kevlec y excelle. Petit détail que j’ai beaucoup apprécié : les passages où l’un ou l’autre des protagonistes raconte son expérience comme s’il s’adressait à l’autre protagoniste. Une belle trouvaille, tout comme ce livre l’était. Je le recommande vivement.
Infos
Auteur : Gabriel Kevlec
Titre : Cordons
Publié par : Ex Aequo
Publié le : 9 octobre 2020
Genre(s) : Romance
Pages : 195
Lu par : ParisDude
Sensualité : 5 flammes sur 5
Note
5 étoiles sur 5
Où acheter
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Premier roman de Gabriel Kevlec, « Cordons » a reçu des éloges à propos de son style et de sa force évocatrice.
Il est vrai que le vocabulaire est riche, parfois rare – bien que ce lexique recherché, dans la partie narrative, paraisse presque incongru en comparaison du langage oral plus que familier dans les passages dialogués.
Mais il ne faut pas confondre style et emphase. La plume de l’auteur fait songer à une caméra qui souligne et amplifie tout, notamment dans l’expression de l’extase du personnage d’Andrew devant son amant, vers la fin du récit. Maintes phrases en deviennent ridicules à force d’être ampoulées. Ce qui est très gênant aussi, c’est que la forme n’est pas à la hauteur de l’ambition littéraire : beaucoup de fautes dans l’emploi des temps (le présent est souvent confondu avec le passé simple), dans la construction des phrases, et de nombreuses fautes aussi de conjugaison et d’orthographe …
Une grande partie du récit permet au lecteur de se familiariser avec la vie sombre du personnage principal, Andrew, une existence marquée par un grand vide, la haine et le mépris de ses semblables, et cette absence totale de lumière et de tendresse (certes très bien restituée, avec cohérence) distille un réel malaise. Le récit gagne en intérêt à partir du chapitre 5, avec l’apparition du personnage de Milton.
Enfin, et là est le défaut le plus évident de ce roman, c’est sa construction : une enquête policière débute, elle aurait pu servir de fil conducteur et soutenir l’intérêt du récit, mais l’auteur l’abandonne en cours de route, avec une désinvolture incompréhensible. Le manque est comblé par des passages relatant la vie quotidienne des protagonistes (ce sont les passages les plus intéressants, grâce au lumineux personnage de Kathryn) et surtout des évocations des ébats du couple Andrew / Milton, d’un érotisme torrentiel et qui prennent quasiment toute la place dans les derniers chapitres.
« Cordons » est d’ailleurs classé par l’éditeur dans la « littérature de charme ». Pourquoi pas ? Mais ce récit aurait vraiment gagné à une construction plus mûrie et rigoureuse et un travail conséquent sur la forme.
Tu m’as donné l’eau à la bouche. Maintenant j’ai trop hâte de le lire ! Merci beaucoup ce bel article. 🙂
🙂