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Mon étoile et mon sang (par ParisDude)

Synopsis

En 2003, j’ai trente-six balais et des poussières et je traîne mon ennui dans le sud de la France. Esteban, lui, est à peine majeur, débordant d’énergie et bien décidé à croquer la vie. Quand nos routes se croisent pour la première fois tout semble nous séparer et pourtant notre rencontre d’un jour va s’éterniser et nous n’allons plus nous quitter. Pendant des années, nous parcourons le monde ensemble, jusqu’à cette triste journée de 2019, où notre périple prend fin dans une chambre d’hôpital. À l’annonce de ma myélodysplasie, notre vie bascule et un long combat contre la maladie commence pour nous.

Notre avis

Une fois de plus, je n’ai pas vraiment lu le résumé avant de commencer ma lecture. Ou plutôt, je l’ai lu quand l’auteur a eu la gentillesse de m’envoyer son ouvrage, mais des mois et des mois se sont écoulés depuis (je m’en suis d’ailleurs expliqué et excusé ici). Du coup, quand j’ai ouvert ce livre, j’ai eu une approche neutre, bienveillante, curieuse surtout, comme à chaque fois qu’en tant que lecteur, je me lance dans l’inconnu.

Ce qui m’a sauté aux yeux presque tout de suite : il ne s’agit pas, ici, d’un roman, mais plutôt d’un récit autobiographique, d’un témoignage (surprise – c’est écrit en gros sur la couverture, comme je me rends compte en écrivant ce retour sur lecture). Le texte est donc écrit à la première personne et adressé à un « tu » dont on apprend que c’est Esteban, le compagnon du protagoniste. Ce dernier déroule notamment la rencontre entre eux deux, le parcours de leur relation et leurs nombreux voyages, en livrant également, par fragments savamment dosés, quelques pans de son passé. Puis, vers le milieu du livre, arrive le moment fatal. Un malaise inexpliqué, une grosse fatigue, des examens, encore plus d’examens, et le verdict, sans appel : myélodysplasie. Derrière ce mot savant et technique se cache une maladie de la moelle osseuse (pas un cancer à proprement parler, m’apprend le site cancer.ca) qui s’exprime en la production insuffisante de cellules sanguines matures saines. S’ensuit un véritable parcours du combattant, avec greffe de la moelle osseuse, long séjour en chambre stérile, traitements divers, variés, et très lourds et pour l’organisme et pour le mental… Avec, toujours aux côtés du narrateur, le fidèle Esteban…

C’est un livre d’une grande sincérité, qui retranscrit fidèlement les hauts et les bas par lesquels passe le narrateur (qui est aussi l’auteur, je crois pouvoir présumer sans trop de risque de me tromper). Dans sa dimension de témoignage, ce texte m’a beaucoup touché, surtout qu’aucune mauvaise passe n’est tue, aucun trauma omis, aucune situation apparemment sans issue laissée de côté. J’ai souffert avec l’auteur, que j’ai découvert très humain en ce que nous, les humains, sommes capables de déplacer des montagnes par notre seule volonté et que nous pouvons creuser des abîmes par notre seul désespoir. Pas d’inquiétude à avoir, par ailleurs – le texte n’appelle pas à la pitié, il fait l’impasse sur les larmoyances faciles, et la plume reste fluide, assez terre-à-terre.

Peut-être même un peu trop, hélas. Comme il l’annonce d’emblée, l’auteur a écrit ce livre pour ériger un monument à l’amour incommensurable qu’il porte à son Esteban. Il le dit et le répète plusieurs fois, d’ailleurs. Et c’est probablement là que le bât blesse, à mes yeux. Ces choses-là, entre tant d’autres, sont dites, racontées, et pas montrées. En effet, il m’était difficile de ressentir une quelconque osmose entre ces deux hommes, malgré les protestations de l’auteur du contraire. Bien des passages, par exemple, consistent en dialogues entre l’auteur et son homme. Comme dans beaucoup de couples, ils se chamaillent, ils se chambrent. Mais quand des bribes de conversation au langage familier sont livrés de façon brute, sans contextualisation, sans description annexe, elles sonnent sec et empêchent de sentir l’attachement qu’elles sont censées exprimer. Ainsi, un « t’es con ! » ressemble davantage à une remontrance qu’à une parole tendre. Il aurait suffi de me montrer le clin d’œil, de me faire entendre le ton affectueux, de me faire voir le geste câlin qui accompagne ces trois mots pour que je puisse percevoir pour de vrai les sentiments qui lient ces deux hommes.

Oui, j’aurais aimé que l’on me montre davantage cette relation au lieu de seulement me la raconter. Je sais, faire la différence entre les deux et manier habilement l’écriture pour montrer les choses, les sentiments, les émotions, ce n’est pas facile. Mais c’est là, dans les choses montrées, que se niche le déclencheur de l’émotion que l’on ressent en tant que lecteur ou lectrice. Et j’avoue que je n’ai pas ressenti beaucoup d’émotion pour les deux hommes en tant que couple. J’en suis resté à l’admiration pour la force et la combativité de l’auteur face à la maladie, mais je trouvais que ses assurances quant à la force de l’amour entre lui et Esteban étaient des mots que je voulais croire volontiers, mais que je ne pouvais saisir sur le plan émotionnel.

Hélas, des fautes se sont aussi glissées dans le texte, qui aurait mérité une relecture plus approfondie. C’est dommage car, dans l’ensemble, il est bien écrit ; c’est peut-être pour cette raison que les verbes qui auraient dû être au pluriel et sont restés au singulier ou les accords manquants après un COD détonnaient d’autant plus. Dernier détail, rédhibitoire pour moi, la nonchalance avec laquelle des expressions telles que « le niakoué » ou « les bridés » sont utilisées. Je ne veux pas faire mon petit caca nerveux du politiquement correct, mais décidément, je ne vais jamais aimer ce genre de terme.

En résumé, j’ai lu avec beaucoup d’empathie ce récit. J’ai aimé son authenticité dans ce qui relevait du face-à-face homme contre maladie. Je ne suis pas sûr, en revanche, d’avoir trouvé les deux protagonistes vraiment sympathiques. Ce n’est pas faute d’avoir essayé, et je ne peux même pas dire que je les ai trouvés antipathiques. Il y avait juste des petits trucs qui m’ont dérangé et qui m’ont empêché de m’attacher pour de vrai à eux. J’en suis désolé.

Infos

Auteur : Fred Estaria
Titre : Mon étoile et mon sang
Publié par : Auto-édité
Publié le : 31 janvier 2023
Genre(s) : Témoignage, récit autobiographique
Pages : 192
Disponible en : Ebook & broché
Lu par : ParisDude
Sensualité : 0 flammes sur 5

Note

3 étoiles sur 5

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Notes de l’auteur

Quel auteur n’a pas rêvé un jour d’être cloitré pendant des mois pour donner libre cours à son imagination et s’adonner à l’écriture ?

Mon conditionnement en chambre stérile, c’était l’occasion pour moi de coucher sur le papier mon histoire. Seulement voilà, rien ne s’est passé comme prévu. D’abord parce que je ne suis pas né écrivain. Et surtout, car ça n’a pas été facile d’écrire avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête en compagnie du fantôme de ma maladie.

J’avais imaginé pouvoir terminer ce livre en quelques mois, mais il m’aura fallu deux longues années. Mais s’il y a une chose que vous devez retenir de mon récit, c’est que même quand le ciel s’obscurcit, il y a toujours une étoile qui brille dans le noir comme une lueur d’espoir.

2 commentaires sur “Mon étoile et mon sang (par ParisDude)”

  1. Il est toujours bon qu’un livre fasse débat, même si ce débat ne repose que sur le ressenti du lecteur. De façon évidente, unanime (à en juger aussi par la bonne centaine de commentaires sur le site d’Amazon qui vont tous dans le même sens), le sujet de « Mon étoile et mon sang » est grave, prenant, poignant. Le courage du narrateur inspire respect, empathie, admiration. Ce récit autobiographique ne peut qu’émouvoir, faire réfléchir, amener le lecteur, sans doute, à réfléchir sur sa propre vie, ses priorités, ses valeurs, ses objectifs. C’est un témoignage d’autant plus important qu’il repose sur une histoire vraie. Sur ce point, je partage l’avis de ParisDude.
    Les raisons qui conduisent le narrateur à la guérison sont bien sûr médicales, scientifiques : des professionnels tous compétents, dévoués, passionnés par leur mission, ainsi qu’un donneur de sang anonyme. Mais ces raisons ne suffisent pas. Le narrateur peut compter aussi sur sa propre force de caractère, sa combativité, et surtout, surtout, sur l’amour partagé de son compagnon Esteban. Sans Esteban il n’y a pas d’histoire d’amour, de vie et de guérison, il n’y a pas de livre, tout simplement. La vie du narrateur avant Esteban était celle d’un gay qui papillonne mais qui ne trouve pas de sens à sa vie. C’est pourquoi je ne partage pas du tout le ressenti de ParisDude sur ce point. Peut-être que les dialogues entre les deux personnages ne sont pas conventionnels, du moins pas toujours, mais il me semble que l’auteur sait dépeindre avec beaucoup de force le lien d’amour indéfectible qui unit ces deux hommes.
    Quant à l’orthographe, le problème bien réel sera résolu dans les prochaines impressions.
    Toutes ces raisons font que je comprends le succès de ce livre et que je souhaite à Esteban et Fred une longue vie de bonheur, de voyages et d’aventures.

    1. Cher Christophe, tout à fait d’accord sur le fait qu’un livre peut plaire à l’un•e et moins séduire un•e autre, pour des raisons diverses et variées. Quand on parcourt les livres que j’ai présentés sur ce site, on se rend facilement compte que je suis assez fleur bleue – je m’attends donc souvent (parfois probablement à tort) à une romance, fictionnalisée ou pas, qui fasse vibrer cette corde de fleur bleue en moi. C’est pour ça que je souligne toujours que mes retours sur lecture n’engagent que moi. Je sais aussi qu’ici, on a à faire à un témoignage et non pas à un roman… mais bon, on a beau essayer chasser son naturel, il revient toujours (au galop, au trot, même au pas). Il me manquait donc un truc, que j’ai tenté de saisir dans ce compte-rendu.

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