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Revenir, mon amour (de ParisDude)

Synopsis

1978, Jean-Michel rencontre Paul lors d’un voyage en train vers Athènes. Étudiants, tous les deux, ils décident de parcourir ensemble les curiosités archéologiques et les superbes paysages grecs. Jean-Michel et Paul s’aimèrent, peut-être sans vraiment en prendre conscience.

Mais Paul se noie mystérieusement. Est-ce le suicide d’un garçon qui n’assumerait pas son homosexualité ? Jean-Michel ne le saura jamais.

Plus de trente ans plus tard, Jean-Michel retourne en Grèce pour réaliser un reportage sur un monastère en cours de restauration. Pavlos, l’un des jeunes étudiants volontaires lui rappelle étrangement cet amour jamais oublié. Jean-Michel est troublé, d’autant plus que Pavlos se montre particulièrement charismatique envers l’homme mûr qu’il est devenu.

Notre avis

Jean-Michel, journaliste spécialisé, la cinquantaine, s’envole pour Athènes. Ça fait trente ans qu’il n’a pas mis les pieds dans cette ville qu’il aime pourtant d’un amour viscéral, d’abord pour ses trésors de l’Antiquité, puis aussi pour des raisons très personnelles qui remontent, justement, à la jeunesse du journaliste. Il retourne ici à reculons, mais contraint car il doit écrire un article sur les travaux de restauration entrepris sur le monastère de Daphni, dans l’Attique, à mi-chemin entre la capitale grecque et le cap Sounion. Lors de la visite du monastère, il tombe sur un jeune étudiant franco-grec, Pavlos, qui se fait aussitôt inviter à dîner et passe la nuit dans sa chambre d’hôtel à Vouliagméni.

Bien qu’à première vue, cette rencontre paraît fortuite, elle replonge Jean-Michel encore plus dans les réminiscences qui l’assaillent depuis qu’il est monté dans l’avion. Car, en fait, ce jeune Pavlos ressemble, comme une goutte d’eau à une autre, à Paul, le jeune étudiant nancéen dont Jean-Michel a fait la connaissance dans le train qui les a emmenés de France en Grèce voici tant d’années. C’était en 1978, peu après la fin de la dictature militaire. Jean-Michel avait alors dix-huit ans, Paul, vingt. À l’époque, les deux décident de passer leur mois de découverte de la Grèce ensemble, pour des raisons d’abord purement financières, mais qui s’avèrent rapidement plus compliquées, presque inavouables. C’est que Paul tombe tout de suite amoureux de Jean-Michel, qui, lui, s’entête à vouloir croire en une histoire d’amour avec un homme qu’il a rencontré en Angleterre mais qu’il n’est pas sûr de revoir un jour. N’empêche, la proximité et les manières non-chalantes de Paul rapprochent les deux jeunes hommes, et une relation tout du moins charnelle s’installe.

Mais Jean-Michel reste sur ses gardes. Trop de choses ne lui vont pas, du comportement machiste de Paul aux sentiments qu’il croit toujours avoir pour son Anglais, et l’histoire des deux étudiants, de Delphes à Mykonos à Corfou, reste comme en suspens, en ce qui concerne les sentiments avoués au moins. Le drame arrive finalement : Paul se suicide un soir à Corfou, et Jean-Michel revient en France, rongé par le deuil, les remords et la culpabilité. Du coup, découvrir le sosie parfait de Paul, trente ans plus tard, est un véritable choc…

Bon, j’adore la Grèce, et j’aime bien lire des histoires qui mettent en relief ces endroits perdus à jamais, ensevelis sous les méfaits du tourisme de masse : les vieux quartiers d’Athènes, qui, tels quels, ont disparu ; les sites touristiques, facilement accessibles aujourd’hui, mais qui, jadis, demandaient un effort considérable et une aptitude à supporter l’inconfort le plus extrême pour les atteindre ; les échopes typiques, les autochthones qui paraissent encore sous leur jour le plus exotique et étrange… Donc, de ce côté-là, j’étais servi. Ça m’a replongé dans ce pays qu’en dépit des décennies qui me séparent de l’expérience de Jean-Michel à la fin des années 70, j’ai aussi connu avant l’avènement des chaînes de magasin internationales et de l’aseptisation entraînée par la mondialisation.

Mais surtout : malgré le sérieux du sujet – un amour de jeunesse perdu, le suicide d’un être proche, les affres de la mauvaise conscience — qu’il aborde, ceci est un livre aussi lumineux qu’un jour d’été dans le golfe de Corinthe, région que j’ai appris à affectionner particulièrement. L’intrigue est habilement amenée et racontée, de bribes en bribes, avec une alternance réussie de fils narratifs du présent (c’est-à-dire du voyage de Jean-Michel en Grèce et de sa rencontre avec Pavlos) et du passé, de ce voyage presque initiatique que le journaliste tout juste sorti de l’adolescence et le jeune étudiant ont passé ensemble. C’est l’histoire de la confrontation d’un personnage plus âgé, mûri, plus réflechi avec son propre passé et avec l’insouciance de ses jeunes années, flétrie pour toujours par les innombrables morts qu’il a dû envisager depuis les années sida. Le retour sur les mémoires est parfois douloureux, mais le quinquagénaire a appris à relativiser les événements passés, à mettre une distance plus saine et sereine entre eux et lui-même. Il a appris à poser les bonnes questions, sans pour autant vouloir trouver à tout prix des réponses.

Ce qui était beau à voir (et à lire) était aussi la façon désarmante avec laquelle le jeune Pavlos réussit à conquérir son aîné, et le constat d’impuissance heureuse, presque joyeuse que Jean-Michel, malgré ses cinquante ans passés, ressent toujours fâce à la force de l’amour. Pavlos est-il la réincarnation mystérieuse et tardive, mais qui tombe à point nommé, de ce jeune Paul désemparé, malheureux, qui ne se sentait pas à sa place, qui était mal à l’aise avec sa nature intrinsèque ? Est-il, au contraire, le fils de ce même Paul, qui donc ne se serait pas suicidé mais aurait recommencé une nouvelle vie à Corfou trente années plus tôt, et le destin aurait-il, par un de ses caprices dont il a le chic, fait en sorte que ces deux hommes, Pavlos et Jean-Michel, se rencontrent ? Le flou, le doute subsistent jusqu’au bout, et on comprend finalement que ce n’est pas si important. Jean-Michel réussit à vraiment faire le deuil puisqu’enfin, il se rend compte (il s’avoue) qu’il avait sincèrement aimé Paul.

J’ai adoré ce livre assez court, un très beau récit, lumineux, comme j’ai déjà dit, et entraînant. Je l’ai dévoré d’une traite, et je vous recommande de vous plonger dedans. Comme un plongeon dans les mers limpides de Grèce, vous ne regretterez pas.

Infos

Auteur : Jean-Jacques Ronou
Titre : Revenir, mon amour
Publié par : Éditions Textes Gais
Publié le : 24 juin 2013
Genre(s) : Littérature, rencontre, mémoires
Pages : 108
Lu par : ParisDude
Sensualité : 1 flammes sur 5

Note

5 étoiles sur 5

Où acheter

Un exemplaire gratuit de Revenir, mon amour nous a été envoyé par l’auteur.

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