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Théo (par ParisDude)

Synopsis

Théo a 20 ans lorsqu’il quitte son Auvergne natale et poursuit ses études de lettres à Paris. Il ignore tout de la capitale où il n’a d’attaches que sa grand-tante Ange-Lise, seule personne à l’avoir toujours compris. La bourse qui lui est allouée lui permet difficilement de vivre. Entraîné par Chris, une Américaine assez délurée, Théo s’inscrit comme « animateur » sur un site de rencontre au nom éloquent, « Rencontres au septième ciel », sans trop savoir ce que recouvre la fonction…

Il va devoir se créer plusieurs « profils » et deviendra ainsi Théa, une jeune femme, Florian un étudiant qui lui ressemble et Arthur, un homme beaucoup plus âgé.

Si Théo se sent différent sans trop mesurer ce qui ne l’attire ni ce qui l’éloigne des autres, au fil de ses échanges sur le site il découvrira des êtres dont il n’aurait jamais pu, jusque-là, imaginer… les différences et les désirs inavouables.

« Qui d’entre nous n’a jamais eu de ces attirances qui font si peur que nous nous les refusons ? La peur, la culpabilité… Il a tellement raison, Julien. C’est cela qui nous ronge. »

Notre avis

Théo, vingt ans, a quitté son Auvergne natale pour étudier à la Sorbonne. De caractère plutôt solitaire, mal à l’aise en compagnie de personnes du même âge, il vit dans une minuscule chambre de bonne, près de l’université, avec pour seules amies sa grand-tante Ange-Lise et une étudiante américaine, Chris. Pour payer le loyer et remplir son frigo, il fait des petits boulots comme serveur dans un bar ou ouvreur dans un théâtre. Un jour, Chris lui suggère d’ouvrir un ou plusieurs profil(s), en tant qu’animateur secret, sur le site Rencontres au septième ciel. Ce site préconise l’approche amoureuse par l’échange de messages, au nombre de signes limité et, bien entendu, payant. Les animateurs et animatrices sont rémunérés cinquante centime le message ; il est donc dans leur intérêt tout comme dans celui du site de relancer les « client(e)s » jusqu’à plus soif.

Après un moment d’hésitation, Théo se laisse convaincre. Le matin et le soir, il devient ainsi non seulement Théa, séduisante jeune propriétaire d’une boutique de sous-vêtements féminins, mais aussi Florian, étudiant bisexuel, et Arthur, fringant pharmacien quinquagénaire. À sa grande surprise, les trois faux profils attirent presque instantanément des personnes esseulées qui cherchent là un moyen de se connecter à une âme si ce n’est sœur tout du moins pourvue d’une « oreille » attentive (je devrais plutôt dire : d’une paire d’yeux). Bien entendu, nombreuses sont les premières approches graveleuses, les messages surtout d’hommes qui ne semblent penser qu’avec leur sexe. Mais ceux-là, Théo les écarte rapidement. Il ne garde et ne relance que les personnes qui le respectent, qui l’attendrissent, avec lesquelles il a un certain feeling. Plusieurs d’entre elles, d’ailleurs, commencent vite à l’intriguer. Le•la mystérieux•se Sami, au genre indéfini et à la générosité suspecte. Julien, l’homme de la nuit qui admet des fantasmes qu’il ne s’est pas permis, jusque-là, d’admettre. Et surtout Roddy, le doux et poétique Roddy, qui s’avoue bientôt subjugué par la plume de cette Théa qui sait si bien lire, répondre, s’intéresser à autrui… Il se pourrait, comme le découvre Théo, à son corps et cœur défendants, qu’il finisse arroseur arrosé car Roddy ne le laisse pas indifférent, non plus…

Connaissant l’auteure de ce roman, j’ai débuté la lecture avec un apriori positif, et pour le dire d’emblée, j’ai été, comme Roddy, subjugué. La plume tout en douceur, en tendresse, en légèreté et profondeur (quel difficile jeu d’équilibriste que de réussir cet exploit !) m’a guidé tout au long d’une histoire touchante, captivante, bouleversante. Sous couvert d’une romance hyper-contemporaine (une partie de l’intrigue se déroule pendant le premier confinement, avec son lot d’expériences que nous avons partagées quasiment tous) et l’air de ne pas y toucher, Dominique aborde tout un tas de sujets qui méritent que l’on s’y attarde. Tout d’abord, ce roman nous parle de différence, de la difficulté de la vivre, de l’assumer, de même la revendiquer. En face d’un Théo perclus de complexes (physique androgyne, longiligne ; enfance et adolescence imprégnées de froideur et désintérêt parentaux ; première expérience amoureuse interdite, richissime, mais ô combien déstabilisante), on trouve la parfaitement décomplexée Chris, libre jusqu’au bout des ongles, chaleureuse et débordant d’énergie, ainsi qu’Ange-Lise, qui n’est qu’amour et acceptation. Ces deux-là font tout pour que Théo puisse se sentir lui-même, pour qu’il se permette d’être lui-même. Elles le font sortir de sa coquille, sa zone de confort, et lui montrent ce qui est possible. Elles lui répètent, par leurs mots et leurs gestes, qu’étant comme il est et qui il est, il est digne d’amour, si seulement il s’ouvre à ce sentiment.

Autre sujet abordé, le poids des mots. Dans notre époque hyperconnectée, nous nageons dans un océan quotidien de mots sans fond, sans profondeur, j’irais jusqu’à dire vidés de leur essence, de leur vie intrinsèque. Combien d’échanges presque frénétiques m’est-il donné de voir chaque jour, dans le métro, où les participants semblent étaler les moindres faits et gestes de leur vie en détail… Théo, dans ce monde, fait figure de véritable ovni, lui qui s’intéresse réellement à ses correspondant•e•s, se prend d’empathie, d’amitié, voire d’amour pour bon nombre d’entre eux, et ce malgré le fait que ses échanges sont, de prime abord, basés sur une supercherie on peut dire vénale. Quelle poésie, quelle inventivité, quel fond dans ses réponses ! Pas étonnant qu’il captive son public, bien plus par ses mots que par les photos truquées dont il a affublé ses profils. Il fait même office d’écrivain public, pour l’un de ses clients, afin de lui permettre de vivre, l’instant d’une lecture, les fantasmes enfouis le plus profondément en lui. Oui, avec Théo, on se rend compte que les mots peuvent encore compter, pour peu qu’on le leur permette. Le poids des mots devient plus qu’un simple slogan, et de ce fait, donne espoir à tout écrivain qui, par moments, se met à en douter. Les mots, dans ce roman, prennent tant d’ampleur qu’ils réussissent même à susciter l’amour, de part et d’autre d’un écran.

Vous l’aurez compris, ceci est donc bien plus qu’une simple romance. C’est un Bildungsroman, dans le sens le plus noble du terme, un roman de formation (ou d’éducation) qui montre la belle évolution non seulement du personnage principal, qui raconte son histoire à la première personne (avec un beau truchement technique qu’il faudra découvrir par vous-mêmes), mais aussi de certain•e•s de ses correspondant•e•s. On devine, derrière Théo, l’empathie naturelle de l’auteure, sa constante curiosité bienveillante pour les personnes qui l’entourent, que ce soient des amis ou des présences furtives, chauffeurs de taxi, serveurs, etc. La belle plume de Théo est celle de Dominique, bien sûr, et ses qualités premières sont la douceur, la délicatesse, la gentillesse aussi. Tout comme Théo l’a utilisée pour capter et captiver Roddy, Dominique a réussi le même exploit avec moi. Et je recommande vivement ce petit bijou…

Infos

Auteur : Dominique Faure
Titre : Théo ou les chemins du désir
Publié par : Éditions Ex Aequo
Publié le : 16 juin 2023
Genre(s) : Romance, littérature, Bildungsroman
Pages : 170
Disponible en : Ebook & broché
Lu par : ParisDude
Sensualité : 2 flammes sur 5

Note

5 étoiles sur 5

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1 commentaire pour “Théo (par ParisDude)”

  1. Mais quel éloge fantastique de mon roman, cher Dieter, alors que parallèlement je suis en train de me régaler à lire ton savoureux « Simon Dale et l’hippopotame rose »!
    C’est un bonheur pour moi de voir que mes personnages ont su te toucher par l’intermédiaire de Théo. Personnages qui d’ailleurs, pour nombre d’entre eux, existent vraiment, sont de mes proches amis, ont choisi le prénom de leur personnage et validé tout ce que je leur fais dire et ressentir, heureux que « Théo » leur donne une petite visibilité… Oui, ne pas rester invisible…
    Ce que tu dis, cher Dieter, des mots et de leur poids, de leur impact, me touche beaucoup. Oh oui, comme tu le dis si bien, je veux croire que  » les mots peuvent encore compter, pour peu qu’on le leur permette. » Alors, que nous soyons ou non écrivain, permettons-nous les mots!
    MERCI, cher Dieter!!! MERCI!

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