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Condamnés (de ParisDude)

Peter Avondo "Condamnés"Synopsis

L’impitoyable histoire d’une vengeance virale… Tout commençait bien. Tout commence toujours bien. Et puis un jour, ce putain de virus. Des vies anéanties par faiblesse, par lâcheté. Ces garçons ne se connaissent pas. Pourtant, une chose les unit. Victimes de la même vengeance, ils font face à leur impuissance. Condamnés pour avoir aimé.

Notre avis

Voilà peu de temps, Peter Avondo, le jeune auteur de ce roman, m’a contacté sur Facebook, et après un échange amical, il m’a fait parvenir un exemplaire digital de Condamnés. Je l’ai lu d’une traite… et me trouve maintenant sacrément embêté. Parce que là, je suis censé écrire une critique littéraire – positive, négative, mitigée, quelque chose de clair et savant, quoi. Et… je ne sais pas quoi écrire. Je ne suis pas sûr de ce que je pense du livre. Voilà. Ça m’embête vraiment, car l’auteur a été poli, gentil, il m’a donné son premier bouquin à lire, et moi, je cale lamentablement.

Enfin, bon, il y a des signes (positifs) qui, d’habitude, ne trompent pas. Un, j’ai mis deux soirées à lire le livre, de bout en bout – pour info, quand un bouquin me déplaît, soit je le finis en diagonale, soit je mets une semaine ou plus. Deux, je ne peux pas dire que je ne l’ai pas aimé, ce roman. Trois, Peter Avondo sait écrire, et pas seulement dans le sens aligner des mots pour en faire de jolies phrases, aligner des phrases pour en faire des paragraphes sensés et aligner des paragraphes pour construire des scènes, le tout sans faire trop de fautes, si possible ; non, il sait écrire dans le sens connaître les mots, ressentir les mots, faire le tri parmi eux et employer ceux qu’il pense les plus adaptés à son topo. Alors, d’où vient mon état tergiversant, si j’ose dire ?

Voyons voir l’intrigue, déjà. Le livre raconte en filigrane, comme un encadrement, l’histoire de Fred, qui est en train de mourir du sida, abandonné dans sa chambre d’hôpital. Le seul qui lui apporte un tant soit peu de gaité est le jeune infirmier Jordan. Nous apprenons par des flashbacks que Fred a vécu une belle histoire d’amour avec Mathieu au début des années 2000, dans une ville qui constitue l’arrière-plan constant et présent de tout le récit (l’auteur ne la nomme pas, mais sachant qu’il est montpelliérain, je soupçonne qu’il s’agit de cette ville-là ; je prie d’ailleurs tout le monde, y compris l’auteur, de bien vouloir m’excuser pour ne pas avoir reconnu les nombreux indices dans le livre avec certitude – il se fait que je ne suis pas encore allé à Montpellier). L’idylle entre Fred et Mathieu dure deux ans jusqu’au jour où Fred, au détour d’une prise de sang qu’il imagine banale, apprend qu’il est séropositif. De nature monogame, il comprend également que seul Mathieu a pu lui transmettre le virus, et que celui-ci l’a donc trompé. S’ensuit une altercation violente et leur séparation.

Deux autres histoires s’entremêlent avec celle-ci : celle de Nicola et Benoît, quelques années plus tard, ainsi que celle de Anthony, jeune drag queen, et Louis, situé aujourd’hui (c’est-à-dire en 2019). Les deux histoires montrent des similitudes frappantes. Dans les deux histoires, une rencontre d’apparence fortuite mène à une relation lente et forte, mais chaste au début ; dans les deux histoires, dès les premiers rapports sexuels, le couple s’effrite inexplicablement, les contacts s’espacent, l’histoire d’amour se dilue jusqu’à mourir dans un soupir inaudible. Et dans les deux histoires, une prise de sang entraîne la découverte de la séropositivité, de Nicola dans le premier, d’Anthony dans le second cas. Quand ils essaient de prévenir Benoît et Louis respectivement, la réponse froide mais sans appel est : « Je sais.  » Parce que c’est lui (Benoît / Louis) qui a transmis le virus en toute connaissance de cause.

Je ne vais pas dévoiler comment ces trois histoires finissent par ne plus en faire qu’une, les lecteurs/lectrices devront le découvrir par eux-/elles-mêmes. On aura compris, en tout cas : ce n’est pas une comédie, ni une romance tiédasse à l’eau de rose, ni un livre sérieux mais complaisant et rempli de bonnes intentions. C’est un voyage dans la nuit, dans l’abîme, dans la noirceur, et ce malgré une intrigue qui se déroule sous un soleil éclatant pratiquement du début à la fin (joli contraste). Le sujet aurait pu donner un bouquin pesant, à l’index levé, le genre de livre où l’écrivain se prend trop au sérieux et arrive avec des gros sabots pour vous dire à chaque phrase : « Regardez ce que je suis littéraire et ce que mon sujet est grave.  » Heureusement que Peter Avondo a eu le bon goût et l’intelligence de ne pas tomber dans ce piège. Il raconte son histoires (ses histoires) non pas avec une légèreté déplacée non plus, mais avec finesse. Je dirais même plus : il a compris que raconter n’est jamais intéressant, et du coup, il montre. Par des descriptions détaillées d’endroits, d’ambiances, de lumières et d’ombres (surtout d’ombres), de relations et interactions humaines et sociales. La noirceur, elle se trouve souvent là, dans ces descriptions, au détour d’une phrase, dans un petit adjectif savamment glissé.

Et c’est peut-être ça qui m’a déconcerté au point de me rendre presque incapable de trouver les mots pour cet article. C’est un livre par endroits très, très dark. D’accord, je reconnais qu’aux yeux de certains, l’intrigue peut paraître un peu téléphoné ; pour moi, sous la plume d’Avondo, elle tient la route. Les protagonistes sont attachants (notamment Nicola et Anthony), ou du moins, on arrive à les comprendre à défaut de les aimer (je parle de Fred, là). Ils sont vivants, vrais, et même les dialogues parfois un peu trop écrits n’en deviennent pas raides pour autant. Mais de temps en temps, j’ai levé la tête, et je me suis demandé pourquoi tant de noirceur ? Pourquoi une analyse des hommes et de leurs rapports si pessimiste ? Ne me méprenez pas, j’adore mes aphorismes de Cioran, mes romans d’Houellebecq ou d’Easton Ellis, justement à cause de leur noirceur. Mais c’est une noirceur plus, est-ce que j’ose dire jubilatoire ? Plus enjouée, plus ironique ? Et là, j’avais l’impression que c’était un pessimisme au premier degré, et ça, venant d’un auteur si jeune, ça m’a fait un peu mal.

Mais je répète : quoiqu’il en soit, et même si cet article n’est sûrement pas la critique la plus constructive car se basant uniquement sur mon ressenti vague et difforme, je dois avouer que c’est somme toute un livre très bien écrit, très bien construit. À la fin, il y même un petit rayon d’espoir qui commence à illuminer l’histoire, un petit signe que tout n’est pas perdu dans ce bas monde… De toute façon, rien que pour la force du langage et de l’écriture, je recommande Condamnés.

Infos

Auteur : Peter Avondo
Titre : Condamnés
Publié par : Nombre 7
Publié le : 2 janvier 2019
Genre(s) : Littérature, Autobiographie
Pages : 194
Lu par : ParisDude
Sensualité : 0 flammes sur 5

Note

4.70 étoiles sur 5

Où acheter

Un exemplaire gratuit de Condamnés nous a été envoyé par l’auteur.

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