Synopsis
Juin 1996. Un adolescent comme les autres à la sortie du lycée…Comme les autres ? Pas tout à fait…Au fil de cette histoire vraie, suivons le parcours de cet enfant qui va devoir se découvrir peu à peu et se révéler au milieu d’un monde “normalisé”, au sein d’une famille ancrée dans des valeurs catholiques, dans un milieu rural où le qu’en dira-t-on est loi. Un voyage à travers ses apprentissages de l’enfance jusqu’à aujourd’hui. Pas de superflus, pas de folklore… juste la vérité brute, le récit d’un petit garçon sensible, discret et souvent bien trop sage qui deviendra ce qu’il est malgré les apparences, les circonstances d’une société acceptant rarement la différence. Un récit autobiographique qui a été couché sur le papier en plusieurs étapes au fur et à mesure d’une vie parfois compliquée, avec ses anecdotes, ses rires, ses larmes. Je vous propose de vous immiscer dans l’intimité, la sensibilité de mon histoire. Une seule promesse : pas de complainte. Juste de l’émotion, de la pudeur, beaucoup d’amour… une hymne à la tolérance. Si ce récit s’intitule “Anonyme”, tout y est pourtant raconté sans tabou, sans artifice. L’intérêt particulier de ce titre est bien entendu de garder ce soupçon de voile pour ne pas me révéler mais c’est aussi parce qu’à la fin, jusqu’au dernier mot de ce récit, il se pourrait que chacun de nous puisse s’y retrouver.
Notre avis
Comme le résumé ci-dessous le laisse présager, ce n’est pas un livre pour se divertir, s’aérer la tête, se taper une franche crise de fou rire. C’est, au contraire, un ouvrage qui va probablement rappeler des souvenirs pénibles, voire douloureux à beaucoup d’entre nous, car c’est l’histoire d’un homme qui doit apprendre qui il est, comment vivre sa vie et comment être heureux en passant par un parcours semé d’obstacles, de non-dits, de découvertes et de rejets. Ce livre est d’autant plus poignant (encore que j’aie deux avis contradictoires qui cohabitent dans ma tête à ce sujet – j’y reviendrai plus tard) qu’il ne s’agit pas d’un roman, mais d’un récit autobiographique.
Ce qui est présenté ici, c’est l’enfance, l’adolescence et l’âge adulte d’un gamin comme tant d’autres. Né et socialisé à la campagne par des parents quelque peu distants (surtout très « comme il faut » et aussi à cheval là-dessus), entouré d’un frère et d’une sœur (peu d’accroche avec le premier à cause d’une grande différence d’âge, complicité avec la dernière), membre d’un cercle de bons et loyaux amis pendant les premières années de scolarisation, la vie du garçon prend une tournure plus noire quand il rentre au collège et se retrouve sans ces repères amicaux. Il essaie de s’intégrer, de jouer le jeu de l’ado « normal », mais rien n’y fait – quand il peut quitter cette écolé, il pousse un grand ouf de soulagement. Ce qui le fait tenir, c’est sa passion pour tout ce qui est métiers de la restauration et de l’hôtellerie, filière dans laquelle d’ailleurs il va poursuivre sa scolarité et se construire sa carrière.
De fil en aiguille, il atterrit à Grenoble, où il fait enfin aussi son premier coming-out, celui qui compte toujours le plus dans la vie d’un gay : celui à soi-même. Il enchaîne quelques plans sans lendemain avant de tomber sur le bon mec. Ne reste plus qu’à avouer aussi à ses proches et à sa famille qu’il est gay, en couple et très heureux. Les amis ne posent aucun problème, mais la famille… là, les réactions son atroces…
Benjamin Milo raconte cette histoire avec beaucoup de sincérité tout en restant pudique, loin de toute exagération larmoyante. Du coup, son récit prend aux tripes, son récit secoue, puis, une fois qu’il a trouvé son alter égo, émeut. Bon, parfois, il y a des fluctuations dans les temps du récit (ça oscille entre présent et passé) que j’aurais corrigées afin de lisser l’écriture. Mais ça se lit quand même facilement. J’avoue que j’étais soulagé de constater que le narrateur – lui, donc – avait des amis comme on aime tous en avoir, des personnes saines et chaleureuses qui l’épaulent et le soutiennent. J’étais heureux aussi que ce jeune homme ait pu tomber sur la perle rare, sur le mec parfait pour lui, le partenaire idéal en somme, avec lequel il peut partager hauts et bas. Car des bas, avec sa famille, il va en avoir. Je ne vais pas faire dans les injures, et je ne prône jamais la violence (je la pratique encore moins), mais franchement, notamment la sœur, au début si proche de lui, et les parents méritent des baffes. Imbus de leurs convictions d’un autre âge, incapables d’évoluer, de bouger ne serait-ce que d’un millimètre, de faire un pas vers leur fils, leur frère, perclus de leurs jugements très peu chrétiens pour les cathos qu’ils sont, et foncièrement égocentriques, ils sont tellement toxiques que j’avais envie de crier au narrateur : « Mais laisse-les crever dans leur coin, tu ne leur dois rien, ta vie est ta vie, et c’est à toi de faire en sorte d’en éliminer tout ce qui l’envenime. » Mais bon, je sais qu’il est toujours plus facile de prodiguer des conseils quand on ne vit pas soi-même des situations données…
Je reviens maintenant sur ce que j’ai évoqué au début de cette chronique. Oui, comme l’indique la quatrième de couverture, ceci n’est pas un roman, mais un récit autobiographique. Des règles bien différentes à celles correspondant à la fiction s’appliquent donc. De ce fait, je savais qu’il ne fallait pas s’attendre à un traitement romanesque, que je ne trouverais probablement pas des mises en scène construites et des interactions montrées, mais davantage des événements racontés. L’histoire étant prenante, tantôt douloureuse, tantôt romantique, ça fonctionnait bien, je lisais le récit avec intérêt, n’y décelant aucune longueur, aucun temps mort. J’ai suivi ce récit en passant par plein d’émotions.
Mais. La petite question qui me tenaillait tout au long de ma lecture et que je n’ai toujours pas tranchée : est-ce que l’histoire n’aurait pas pu être rendue encore plus impactante si justement l’auteur l’avait « fictionnalisée », c’est-à-dire traitée comme un roman, en partant de son vécu, puis en la transformant en roman. Puisque, de toute façon, et le titre indique déjà la démarche, l’auteur écrit sous un nom de plume et reste donc anonyme, n’aurait-il pas pu (parfois, je me dis même : « dû ») changer son approche, se décoller de son seul vécu et écrire ce roman dont j’ai parlé dans la phrase précédente au lieu de se lancer dans un autobiographie ? La fiction permet de prendre de la distance, de traiter des faits et des événements différemment, de peut-être aussi se servir de ce processus pour surmonter les épreuves que l’on a traversées et que l’on vit encore, de moins raconter et davantage montrer, et ainsi l’impact émotionnel aurait pu être décuplé… C’est juste une thèse que je lance comme ça, comme une bouteille à la mer, et je répète que a) je n’ai pas la réponse (celle-là appartient à l’auteur), et b) cela ne veut en aucun cas dire que le livre serait sans intérêt.
Bien au contraire, je le recommande. Moment d’émotion garanti, et je parie que vous, comme moi, finirez par vouloir serrer l’auteur dans vos bras à la fin et par lui dire : « Ça va aller, tu es quelqu’un de bien, ton mec t’aime, t’as des amis superbes, et on emmerde ta famille. Ça va aller, mon ami ! »
Infos
Auteur : Benjamin Milo
Titre : Anonyme. Garde-le pour toi…
Publié par : Auto-publication
Publié le : 12 décembre 2020
Genre(s) : Autobiographie, Coming-out, famille
Pages : 173
Disponible en : Ebook & broché
Lu par : ParisDude
Note
4,5 étoiles sur 5
Où acheter
- Sur Amazon
- À la Fnac (couverture différente, et comme date de parution est indiqué janvier 2022, mais c’est bel et bien le même bouquin)
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Chacun se retrouvera tout ou en partie dans ce livre. Mais quelle histoire ! Celle qui donne envie d’hurler, taper du poing,.. pour faire bouger les lignes. Quel chemin parcouru de l’auteur, de son adolescence dans un petit village où le regard de l’autre fait loi, puis son émancipation dans une grande ville, les 1er émois, …
Ce livre devrait être lu par des ados mal dans leur peau, mais aussi par des parents qui élèvent leurs enfants pour ne pas reproduire certains clichés, certaines maladresses qui auront des conséquences.
Un très beau livre qui m’a marqué et que je conseille.
Un récit autobiographique court mais dense, qui suscite bien des moments d’émotion et de réflexion. L’auteur précise bien qu’il ne s’agit pas d’un roman et en aucun cas on ne doutera de sa sincérité, tant son témoignage paraît sincère et venu du coeur.
Benjamin Milo, dans des pages écrites durant son adolescence (et qu’il complètera bien plus tard), décrit tout d’abord, avec naturel et simplicité, une enfance apparemment sans histoires mais en réalité faite de solitude, de mise à l’écart de la part de ses camarades au collège et de souffrance jamais exprimée, surtout pas à ses parents à qui il veut faire plaisir en toutes choses ; pourtant, malgré son repli sur lui-même, il dévoile aussi une énergie intérieure en devenir, tout en se montrant déjà un observateur pessimiste de la nature humaine (plus exactement de ce qu’il appelle la bêtise humaine), des jeux de pouvoir, des compromissions … qui constituent son champ de découvertes durant les années de collège, si difficiles déjà pour celles et ceux qui se sentent différent.e.s.
Le témoignage de l’auteur/narrateur/personnage principal est d’emblée rédigé dans un style parlé, sans ambition littéraire, peut-être pour paraître plus authentique. A mon sens, c’est le point faible ou au moins discutable de ce récit : les relectures n’ont pas permis d’éliminer toutes les fautes d’orthographe, d’expression et de syntaxe. L’emploi des temps est anarchique, l’usage de la ponctuation surabondant, comme dans certaines B.D. Il est probable que l’auteur a en grande partie conscience de ces problèmes, il reste humble en toutes circonstances, mais on aurait aimé plus de vigilance et de rigueur dans ce travail visant à produire, en tout état de cause, un texte écrit.
Ces réserves n’enlèvent rien à l’intérêt et à l’épaisseur humaine d’un récit qui se lit facilement et avec une réelle émotion. Nombre de personnes LGBT, jeunes et moins jeunes, ne manqueront pas de se reconnaître, notamment, dans l’évocation des années de collège et de lycée du narrateur (qui est né en 1978).
Après les énormes difficultés à rire, à respirer, à vivre tout simplement durant les années de collège, le lycée apporte au narrateur un sentiment de soulagement profond, de libération, le début d’une vraie vie sociale, comme en témoigne l’humour présent dans certains passages. Le personnage reste réservé mais commence à s’ouvrir aux autres. Seule sa famille, c’est le moins que l’on puisse dire, ne fait pas rêver … Pour autant, ayant peu à peu ouvert les yeux sur sa nature homosensible, il refuse de le reconnaître et va même jusqu’à dire (au bas de la p. 52) : « Non, il est hors de question que quelqu’un ait le moindre doute à mon sujet. » Il va donc aller, comme tant d’autres, très loin dans la négation de lui-même.
Malgré cela, durant son parcours de lycéen puis d’étudiant en hôtellerie (un domaine qui lui plaît beaucoup), il va entrer assez facilement et rapidement dans une vie de jeune homosexuel faite de nombreuses rencontres d’un soir ou de quelques semaines. Il ne s’assume pas pour autant, ne dit rien de sa vie à personne. Son silence est le produit de plusieurs déterminismes : familial, social, religieux … Il se sent faible, lâche, son refus de prendre ses responsabilités le mine, et pourtant, à mon sens, il fait preuve, et depuis de nombreuses années, de beaucoup de courage et de résilience, ayant supporté tant d’humiliations, de rejets, écrasé par le poids d’une religiosité oppressante chez ses parents et même sa sœur aînée.
Benjamin Milo dénonce avec beaucoup de lucidité ces dogmes religieux qui ne traduisent en aucun cas l’amour du prochain mais ne visent qu’à l’étouffer, le brimer, le marginaliser. Il dit avoir suivi, dans son enfance, des cours de catéchisme : sans doute était-il alors trop jeune pour constater que, dans les Evangiles, pas une parole de Jésus-Christ ne concerne les homosexuels. Ses paroles sont un appel universel à l’amour, au pardon, à la fraternité, jamais au rejet de l’autre. Or, sur la base de certains versets clairement homophobes de l’Ancien Testament et de l’épître aux Romains, les hommes d’église ont répandu, à travers les siècles, les idées discriminatoires que l’on connaît – et qui n’ont pas disparu : à travers le refus de l’église catholique, encore aujourd’hui, de « marier » les couples de même sexe, c’est le refus du respect des lois de la République qui se manifeste. Seule l’église protestante unie de France ne pratique pas cette discrimination. Le rejet des homosexuels, les parents du narrateur, très pratiquants, l’ont chevillé au corps, et ils ne sauront que faire semblant d’accepter la situation de leur fils, tout en taisant à toute la famille et à leurs connaissances le côté scandaleux à leurs yeux de cette situation.
Le récit de Benjamin Milo est particulièrement addictif dans tous les derniers chapitres, à un moment où il a enfin rencontré l’amour. On a vraiment hâte de découvrir comment il va surmonter tous les obstacles qu’il doit affronter, malgré le soutien indéfectible de son compagnon.
Dans ces chapitres, le narrateur livre un témoignage très émouvant sur la dureté de la relation parents / enfant, il livre aussi une réflexion terrible sur la notion de honte (qu’il met en parallèle avec celle de rejet) , sur la manipulation, l’anonymat. Et pourtant, malgré tout ce que ses parents lui font subir (il ouvre tardivement les yeux sur le fait que, à quarante ans, il fait honte à ses parents), son couple reste stable, et son désir de ménager ses parents, de ne pas couper les ponts avec eux est explicite. Mais le fait de se sentir ainsi manipulé, un fait extrêmement choquant et pourtant crédible, laisse des traces profondes dans l’esprit et le coeur du personnage. C’est ainsi que toute la fin du récit, aussi attristante que surprenante, s’élève à des hauteurs rares dans l’expression de l’amertume, de la tendresse blessée, du regret de certains choix … Quel qu’ait été notre parcours, on ne peut que remercier Benjamin Milo pour sa sincérité, pour la profondeur de ses sentiments et de la réflexion que suscite son témoignage, et pour la dénonciation lucide des ravages de l’homophobie dans certaines familles.
Un beau moment de lecture. Un flash back dans les années 90 où internet, portables et Grindr n’étaient pas encore omniprésent, ce qui laisse une part belle sur les relations de l’auteur. Des moments difficiles pour lui dans une famille ancrée entre religion et qu’en dira-t-on d’un petit village de Province.
Je crois que chacun se retrouvera dans son histoire, son évolution, son acceptation.