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L’amant fantasmatique (Journal de Kerbihan)

Synopsis

Les Esquimaux croient en l’existence d’amants fantasmatiques. Le narrateur l’apprend de son cousin historien du Canada, dont il est discrètement épris, quelque temps après leur arrivée dans une maison isolée entre lande et forêt bretonnes, où tous deux se sont retirés pour travailler.

Mais le séjour prend bientôt une tournure inattendue, avec d’hallucinantes flambées de désir, entre Finistère et étendues arctiques.

Guy Bordin est ethnologue et réalisateur. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages et de nombreux articles sur le monde intuït ; il a également coréalisé huit films. « L’amant fantasmatique » est son premier texte de fiction.

Notre avis

Quel livre étrange, beau et intrigant ! J’ai commencé sa lecture hier soir et l’ai lu d’une traite, d’un côté parce qu’il n’est pas très volumineux, de l’autre – et surtout – parce que je me suis retrouvé complètement happé par le texte, entre conte onirique, découverte de soi, enquête criminelle et récit sensuel. En revanche, je sens que vais avoir beaucoup de mal à résumer l’intrigue sans trop dévoiler… Mais essayons.

Années 80, été. Le narrateur, qui raconte l’histoire à la première personne et n’est jamais nommé, se retrouve dans une petite cabane isolée quelque part en Bretagne, près d’une forêt et entourée de landes. Jeune étudiant en histoire, il est censé travailler sur un projet quelque peu flou avec son cousin Jean, qui est historien. Pour conjurer le trouble provoqué par la contigüité des lieux et donc de la proximité permanente de ce bel homme séduisant, le narrateur fixe ses pensées, ses émotions, ses aventures, ses rêves dans un journal intime. En effet, il se sent tout de suite attiré par Jean, qui semble ne pas remarquer dans quelles affres de désir il plonge son jeune parent et se comporte de façon très désinvolte (on lui devine un petit côté naturiste, voire exhibitionniste). Les deux passent leurs journées entre travail intellectuel acharné, promenades, discussions et jeux de cartes. Souvent, le narrateur s’éclipse dans la forêt toute proche pour faire retomber la tension interne par une séance de masturbation.

Lors d’une virée dans la ville la plus proche, il rencontre un jeune et séduisant serveur, qu’il semble ne pas laisser indifférent. Les deux se retrouveront par ailleurs à plusieurs reprises dans cette forêt devenue si chère au narrateur. D’autres rencontres érotiques – avec un jeune homme faisant son service militaire auprès de la gendarmerie locale, avec un prêtre sans scrupule – parsèment ce séjour. Mais surtout, le narrateur vit de plus en plus d’épisodes où il semble entrer dans une espèce de monde parallèle, un univers onirique peuplé d’incarnations de son désiré Jean. Déjà que le cousin prend une place importante dans les rêves que le narrateur relate au fil des pages, la question se pose (alors que lui ne se la pose pas trop) : rêves éveillés, signes d’un trouble psychiatrique (disons les choses comme elles sont), manifestations d’un monde fantasmatique dont on ne soupçonne pas l’existence ? (Je le dis tout de suite : pendant que je lisais, je me demandais de plus en plus souvent si une réponse quelconque y serait donnée dans le livre…) À cette trame principale s’ajoute aussi une petite intrigue criminelle : un chef scout disparaît et est retrouvé assassiné au bout d’une semaine dans un lac tout proche.

Apparemment, ceci est le premier livre de fiction écrit par l’auteur. Très étonnant tellement l’intrigue est bien construite, les chapitres bien découpés, les scènes semblant couler d’elles-mêmes. Aucun signe de ce balbutiement, de cette petite maladresse, de ce tâtonnement que l’on trouve souvent dans un premier livre. L’auteur, c’est évident, sait écrire, il prend plaisir, et du coup, le lecteur prend plaisir aussi. L’écriture est soignée et très belle, le vocabulaire riche, même les scènes « charnelles » se trouvent dépourvues de toute vulgarité. Les descriptions de l’environnement – la Bretagne profonde, loin des plages et ports les plus touristiques – m’a vraiment saisi. Techniquement aussi, le mélange de rêves relatés en tant que tels et de scènes de la vie quotidienne du narrateur dans cet isolement breton s’avère fort efficace. Toute l’intrigue n’est vue que par le prisme de ce personnage principal, qui peut paraître parfois froid, passif, sans trop de curiosité sur ce qui se cache derrière ce qu’il voit et vit. Mais ça contribue au côté féerique de l’histoire. Comme le narrateur ne porte pas de nom, on se demande même à un moment si lui est tout à fait réel.

Bon, d’accord, je n’ai pas vraiment aimé la fin. Mais les auteurs ne sont pas obligés de me faire plaisir avec une fin attendue et facile, et celle-ci a le mérite d’être surprenante. Enfin, «« surprenante« »… j’avoue que je pressentais où la force, le flux, l’inéluctable dynamisme du récit allaient m’emporter contre mon gré (inutile de se rebeller – dans un livre, la fin est vraiment déjà écrite, pas comme dans la vraie vie). Donc pas si surprenante que ça, la fin, mais elle n’est pas celle à laquelle on penserait au cours de la lecture. Au risque de me répéter, livre étrange, en effet. Mais l’écriture fluide est tellement belle qu’à un moment, je ne me suis plus posé de questions ; je me suis juste laissé entraîner – avec grand plaisir – sans chercher à démêler le vrai du faux. C’est un livre sur la force du désir et de l’imagination… J’espère que l’auteur n’en restera pas là et nous régalera bientôt d’un nouvel ouvrage – s’il devait s’avérer de la même trempe, je serai preneur.

Infos

Auteur : Guy Bordin
Titre : L’amant fantasmatique (Journal de Kerbihan)
Publié par : Éditions Maïa
Publié le : 21 avril 2020
Genre(s) : Littérature
Pages : 117
Lu par : ParisDude
Sensualité : 2 flammes sur 5

Note

5 étoiles sur 5

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L’auteur nous a fourni un exemplaire gratuit de L’amant fantasmatique pour que nous puissions vous livrer une critique honnête et sincère.

2 commentaires sur “L’amant fantasmatique (Journal de Kerbihan)”

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