Tadzio – Mourir à Venise (retour de lecture de Dominique Faure)

Voici le retour d’une lecture qui véritablement a suscité mon enchantement : Tadzio – Mourir à Venise, de Jérémy Niels Circus.

Mais d’abord : connaissez-vous et avez-vous aimé le film de Luchino Visconti, Mort à Venise, ou bien le court roman de Thomas Man dont il est adapté ? Si oui, alors vous aimerez un merveilleux rendez-vous imaginaire, un dernier voyage à Venise, celui de Tadzio, le personnage, et de Björn Andresen, l’acteur qui l’a incarné à l’écran.

Plutôt que de commenter ce texte, car je ne pourrais dire mieux ni davantage, ou de paraphraser l’auteur, j’opte pour vous plonger directement dans cette écriture, belle et poétique, rare, dans cet écrit intimiste dont Tadzio est le narrateur :

« Je suis né de l’encre déposée sur une page. Tracé par la plume qui frôle le papier sur la table de bois. Placé à l’ombre des cabines de bains bleues et blanches. Protégé du soleil et du vent par le Grand Hôtel trônant majestueusement le long du rivage de l’île du Lido.

Je suis Tadzio.

Je n’ai d’existence que par la volonté d’un seul homme, l’écrivain, le créateur d’un monde. Je suis sa matière invisible et brute qui prend forme dans son imaginaire. »

Et s’adressant à Björn, tout jeune acteur de quinze ans découvert par le cinéaste après maintes recherches dans toute l’Europe et qui deviendrait… lui, Tadzio :

« Björn, c’était toi ce personnage imaginé par Thomas. Tu as donné forme humaine à Tadzio. Nos âmes se sont rencontrées. Tu étais la perfection.

« Björn aux yeux gris comme l’eau sous les ponts de Venise. Mélancoliques et troublants comme cette brume sur la lagune.

Tu seras toujours Tadzio. »

Tadzio, « l’être de papier » enfermé dans un livre, et Björn, 40 ans après, prisonnier pour la vie de la pellicule, « dans la peau de cet enfant à qui on a refusé de grandir »…

De 1912 à 1971, du livre au film, de Thomas (Mann) à Luchino (Visconti), Tadzio dit à Björn, nous dit :

« Grâce à toi, je suis devenu humain. J’ai pu sentir la chaleur par ta peau, respirer l’air par tes poumons et sentir ton cœur battre. J’ai pu enfin toucher le sable de tes mains, faire glisser ces particules de temps entre nos doigts.

J’ai enfilé ton costume de chair et toi le mien fait de mots. »

Björn… qui a été condamné à rester Tadzio, pour la vie :

« Tu as dû tant me haïr pour avoir volé mon visage. Tu as dû tellement souffrir d’être prisonnier de notre histoire.

Björn, pour t’avoir privé du reste de ta vie, je te demande pardon. »

Voilà. J’ai choisi ces quelques extraits mais, croyez-moi, tout est beau et merveilleusement exprimé dans cette forme de lettre de Tadzio à Björn, ce monologue écrit pour Björn, ce pardon demandé.

Cette œuvre, ce sont 50 pages d’une rencontre, avec Tadzio, avec Björn, entremêlées de photos prises par l’auteur, qui est aussi réalisateur et qui pour nous se fait photographe. Quelques mots pour finir, et ceux-là sont de moi :

C’est très court

C’est très beau.

C’est à lire.

Vraiment !

Enfin, un court extrait pour finir :

« Mais toi, Björn, le costume que tu as enfilé est resté collé à ta peau. Il est rapidement devenu trop petit pour toi. Cette nouvelle peau s’est transformée en prison. Une prison invisible, se resserrant et t’empêchant de respirer un peu plus chaque jour. Tu as grandi, tu es devenu un homme enfermé dans un costume d’enfant. »

Le livre a été récompensé par le Prix du Roman Gay 2024, dans la catégorie « Essai ».

Un film documentaire de Jérémy Niels Circus, TADZIO The shadow of Venice, a déjà reçu plusieurs prix en Italie. Sur Youtube, vous pouvez regarder et la bande-annonce du film et la bande-annonce du livre, paru aux éditions L’Harmattan en juin 2024.