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Les Amants Déchaînés (par Christophe)

Synopsis

À la mort de ses parents, Trojan doit vivre chez sa grand-mère. Passionné de hip-hop, il rencontre Gino, un jeune gitan avec qui il fonde Trojino. Mais le désir conduit les deux amants vers une passion sensuelle incontrôlable. Trojan et Gino vont chacun devoir se libérer de leur lourd héritage familial, avant de pouvoir s’aimer sans entraves…

Notre avis

Taram Boyle est un jeune auteur qui a déjà publié seize livres. Il est devenu une figure connue dans la planète du livre gay : fermement engagé contre l’homophobie (dont il considère à juste titre qu’elle est « contre-nature »), il est lui-même gay, tout comme le sont les principaux personnages de ses romans sensuels. Il suffit de taper son nom sur le clavier pour voir apparaître de nombreuses références à son travail et à ses livres qu’il écrit avec une rapidité et une régularité assez étonnantes.

Il est bon, me semble-t-il, de s’intéresser aux jeunes auteurs qui s’illustrent, par-delà une thématique LGBT, dans des genres très différents. Il faut surtout se faire une opinion personnelle sur leur travail. Taram Boyle est déjà réputé pour avoir écrit des « best-sellers gays », c’est pourquoi j’ai choisi un de ses livres les plus récemment parus, « Les Amants déchaînés », pour découvrir cet auteur que ses fans appellent volontiers par son prénom sur les sites et réseaux sociaux le concernant. Et il a visiblement beaucoup de fans.

J’avoue avoir ouvert ce livre avec une certaine appréhension, pour les raisons suivantes :

• une telle rapidité dans l’écriture est-elle bien raisonnable ? elle me faisait craindre un travail un peu bâclé dans divers domaines ;
• dans la mesure où la sensualité occupe a priori une très grande place dans les livres de Taram Boyle, qu’en est-il du récit lui-même, du scénario ? Celui-ci a-t-il un intérêt en lui-même ou bien sert-il simplement de prétexte à décrire des scènes d’amour physique ? Ces scènes sont-elles intégrées au scénario, ou seulement des parenthèses ?
• en petits caractères, au bas de la page 2, on lit que ce « roman est garanti sans IA », et là, on peut frémir un peu. Cela fait penser à de la margarine garantie sans huile de palme… Et pour un roman, qui donne cette garantie ? L’auteur lui-même, sans doute, mais pourquoi éprouve-t-il le besoin de le préciser ? La phrase en question, malheureusement, déclenche des soupçons… À l’heure où l’IA investit tant de champs de l’activité humaine, pourquoi des auteurs peu scrupuleux s’en priveraient-ils ? Malgré cet embarras, j’ai pris le parti de considérer que cette phrase dit vrai, et que ce roman est bien le fruit de l’imagination et de l’intelligence d’un homme ;
• sur la 1ère et la 4ème de couverture, on découvre deux beaux gosses dans la mer, bien entendu bronzés, musclés, souriants et visiblement très heureux : mais ce ne sont pas des hommes réels. Ils donnent le ton du livre : que peut-on attendre de ces figures stéréotypées ? arrivera-t-on à s’intéresser à leur tranche de vie ?

Après toutes ces questions, je me suis efforcé de lire en oubliant mes préjugés et de partager mes impressions sans excès dans mes commentaires et sans condescendance.

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Ma crainte d’un travail un peu bâclé a été rapidement confirmée par le nombre important de négligences dans l’expression et l’orthographe. La relecture n’a pas été assez efficace, il y a beaucoup de fautes (dont une très charmante, que je n’avais jamais rencontrée : « un saut à champagne »), et le style n’est pas assez travaillé. La reprise fréquente d’une langue parlée courante et surtout relâchée n’est pas un plus pour ce livre. Certains propos et certaines situations se révèlent assez vulgaires, et c’est dommage.

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Dans le premier chapitre, le ton est donné : on découvre un récit simple mais bien conduit, intéressant, avec la peinture du contexte familial bien triste du narrateur, Trojan, qui, après le décès tragique de ses parents, survit grâce à la lumineuse personnalité de sa grand-mère, mais aussi avec l’évocation de la « tribu » gitane à laquelle appartient celui qui sera le petit ami de Trojan : Gino.

Les chapitres les plus frappants sont ceux dans lesquels l’auteur dépeint l’horreur de l’homophobie dont la source, chez les gitans, est celle du poids des traditions et de la religion. Taram Boyle dénonce avec vigueur, efficacité et sincérité la haine homophobe de tous les intégristes, dans le chapitre qui narre un pèlerinage à une statue de la Vierge Marie. Et il a grandement raison : on ne dénoncera jamais assez les comportements violents de ces « croyants » qui méprisent, insultent ou attaquent les personnes LGBT.

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Les scènes d’amour sont, comme attendu, nombreuses et exaltées, elles célèbrent avec ferveur le plaisir dans toutes ses dimensions, témoignant aussi de l’éclatante santé des deux jeunes gens qui les vivent avec une folle passion… Il est parfois bien beau d’avoir vingt ans (à peine)…

Sur internet, on peut lire que les romans de Taram Boyle s’adressent à un public gay. On ne conseillera certes pas Les Amants déchaînés à de trop jeunes lecteurs, mais à mon avis il ne faut pas confondre pornographie (avec ce que cela suppose de sale, de dégradant, de triste voyeurisme) et évocation jubilatoire de la sensualité humaine. Il n’y a pas de pornographie dans ce livre, qui ne fait que raconter une histoire d’amour sous toutes ses formes. Aucune raison donc de limiter cette lecture à un public gay. Les hétéros ouverts à une sexualité autre ne verront rien de choquant dans ce livre. Quant aux autres, tant pis pour eux !

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En revanche, il me semble que le récit lui-même souffre de certaines faiblesses. Bien que Gino et Trojan s’aiment avec passion, il leur arrive aussi à plusieurs reprises de se disputer ; Gino dit alors sa volonté de rupture, mais cela finit toujours par s’arranger, et c’est plutôt lassant : les deux apparaissent alors comme des ados attardés. En dehors de cela, le récit comporte des épisodes dont la vraisemblance n’est pas la caractéristique la plus évidente :

• quand Trojan (pris dans les filets de sinistres trafiquants de drogue) annonce à Gino qu’il risque de mourir dans deux jours, Gino ne répond rien, prend son amant en photo avant d’aller se doucher avec lui, comme si ses propos ne l’intéressaient pas ;
• quand Diego, le père de Gino, enfermé dans ses conceptions homophobes, se convertit si rapidement à l’acceptation de la nature de son fils ;
• quand Trojan apprend la grave maladie dont souffre sa grand-mère, il commence par pleurer (ce personnage pleure assez souvent), s’en veut de ne pas s’occuper assez d’elle, regrette son égoïsme, et… emmène Gino sur une plage naturiste !
• quand la commissaire de police fait beaucoup de révélations en principe strictement confidentielles aux principaux protagonistes ;
• quand Trojan rend visite à sa grand-mère à l’hôpital, celle-ci se remet d’une lourde intervention, mais c’est comme si cela ne comptait pas, seuls les problèmes de cœur de Trojan alimentent la conversation ;
• quand Trojan et son ami détective se savent poursuivis par des trafiquants particulièrement hargneux et dangereux, ils décident d’aller faire un pique-nique dans un site avec vue sur la mer…
• quand il est question d’une poudre mortelle, le carfentanyl, qui épargne miraculeusement Gino et Trojan.

Enfin, tout auteur a le droit d’imaginer une fin heureuse, mais là, trop c’est trop. C’est tellement « trop » que l’on a quasiment envie de rire devant cette avalanche de bonnes nouvelles.

Bilan : une joyeuse expression de la sensualité, mais un livre qui au final déçoit par le manque de rigueur (dans le scénario et la forme) d’un auteur peut-être trop pressé.

Infos

Auteur : Taram Boyle
Titre :
Les Amants déchaînés
Publié par :
Auto-édité
Publié le :
13 juillet  2024
Genre(s) : 
Roman sensuel
Pages :
296
Disponible en : Ebook & broché
Lu par : Christophe
Sensualité : 5 flammes sur 5

Note

2 étoiles sur 5

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