Synopsis
Après une rupture amoureuse, Benjamin décide, sur un coup de tête, de partir enseigner en Inde, dans un collège huppé. Il emporte ses angoisses, ses espoirs brisés et ses souvenirs, qui l’accompagneront dans cette incroyable expérience. Ce pays ne l’attire pas, mais il pressent que les Indiens lui offriront quelques enseignements. Il ne se trompera pas.
Notre avis
Alors, pour les autobiographies, c’est comme pour tout le reste : on aime ou on n’aime pas. Je ne suis pas particulièrement réfractaire, j’ai même un certain faible pour ces récits, pourvu que l’histoire soit intéressante, le cadre aussi, et que l’histoire soit non seulement bien amenée, mais aussi bien racontée. Je le dis d’emblée pour ne pas laisser planer le doute : j’ai été captivé par celle-ci, l’histoire d’un prof de FLE qui, en pleine rupture amoureuse (en pleine préparation de divorce, pour être plus exact), décide qu’un changement de décor lui fera le plus grand bien afin de trouver la distance nécessaire à surmonter la fin de cette relation.
L’auteur et le narrateur ne font qu’un, dans ce livre (tiens, surprise, dans une autobiographie…). Benjamin, voulant fuir son présent pesant, jette son dévolu sur un poste de professeur de français en Inde. Il a vraiment hâte de quitter Barcelone, où il a construit sa vie avec son mari, un jeune et beau Colombien, parce que les deux ne peuvent que constater que leur histoire d’amour touche à sa fin, vaincue par une incompatibilité et une incompréhension grandissantes. C’est la principale raison pour laquelle il postule au Mayo College à Ajmer (le nom n’a rien à voir avec la mayo, bien sûr, mais vient de Richard Southwell Bourke, le sixième comte de Mayo, qui fut gouverneur général et vice-roi des Indes de 1869 à 1872) car a priori, l’Inde n’est pas le pays qui l’attire le plus, et le salaire, peu reluisant, non plus.
N’empêche, il a dû garder une espèce d’idée romantique et exotique d’une Inde fantasmée en tête, celle que l’on peut rencontrer en tant que touriste, peut-être, idée sûrement renforcée par le fait que la petite ville où il atterrit se trouve dans le Rajasthan, car très vite, il déchante complètement. Ajmer est plutôt quelconque, en plus d’être sale ; le Mayo College, qui jouit d’une excellente réputation dans le pays et n’est accessible, de par ses frais de scolarité exorbitants, qu’aux enfants des plus aisés, se révèle délabré et désorganisé aux yeux d’un prof occidental ; les gamins, quoique charmants pour la plupart, ne connaissent pas le mot discipline ; le niveau est raz les pâquerettes ; et dans ce pays dont toutes les structures sociales se basent encore sur une hiérarchie claire et immuable, un prof de français ne jouit d’aucun respect, d’aucune reconnaissance. De plus, Kartik, le professeur indien qui est censé être son interlocuteur privilégie, lui donne du fil à retordre tellement il est fourbe. À ça s’ajoute un certain mal du pays, quand même, et cet amour que Benjamin ressent toujours pour son futur ex-mari et qui lui déchire le cœur car celui-ci n’a plus que dédain et froideur pour lui. Bien sûr, très rapidement, Benjamin tombe malade une première fois sans que le personnel médical puisse vraiment trouver ni les causes ni un remède (mis à part des antibiotiques dosés pour un cheval). Petit à petit, cependant, le jeune prof français non seulement se découvre davantage mais découvre aussi la part cachée de l’Inde qui l’intrigue, le charme, le séduit inexorablement…
C’est très bien écrit, pour commencer – bon, si un prof de français m’avait fourni trois fautes par phrases et des clichés à tire-larigot, j’aurais été déçu, je l’avoue. Mais à côté de l’écriture impeccable, c’est aussi le style qui m’a beaucoup plu, tantôt désinvolte, tantôt poétique, toujours sans concession ni pour l’auteur lui-même ni pour les autres, mais jamais fadasse ou attendu. Le jeune prof réussit à faire quelques excursions et voyages pour découvrir davantage du pays, mais les descriptions ne livrent pas des images d’Épinal de l’Inde, et les quelques rares « cartes postales », si je puis dire, ravissent par l’immédiateté et la sincérité. Puisque tout est nouveau pour l’auteur, il donne des explications, des analyses parfois bien senties, et du coup, tout est aussi nouveau pour le lecteur, qui se sent emporté tout autant que le narrateur par les flux de l’inconnu, d’autant plus que Benjamin Audoye a bien intégré le mot d’ordre de tout(e) écrivain(e), à savoir qu’il faut montrer au lieu de raconter.
Ce qui m’a fait tourner les pages, en plus des différents déboires du narrateur, ce sont deux choses. Tout d’abord, l’accent qui est mis sur les hommes et femmes autour de lui. Certes, l’Inde est toujours là, que ce soit en arrière-plan ou en tant que sujet principal dans certains passages, mais Audoye rapporte surtout ses rencontres, ses conflits (ou les manœuvres pour les éviter), ses amitiés, ses coups de cœur (platoniques)… Du coup, ce pays exotique revêt avant tout un visage humain, une chaleur, un sourire qui m’ont vraiment charmés.
Ensuite, la raison pour laquelle l’auteur a quitté sa zone de confort à Barcelone, où sa vie roule sur des rails depuis un certain temps, n’est jamais loin : sa rupture amoureuse. Il en dissèque les raisons, offrant ainsi au lecteur des flashbacks vers des épisodes marquants de sa relation avec son mari, et ce faisant, il se dissèque aussi, se met à nu, allant jusqu’à donner la parole à son mari, resté en Espagne. Même si à certains moments je ne sentais pas tout à fait la distance avec ses problèmes qu’Audoye voulait produire par ce procédé (distance trop difficile à maintenir quand il s’agit d’amour et de perte, je reconnais volontiers), ça m’a rapproché des deux protagonistes de ce drame et de leur histoire.
C’est un livre qui se lit comme un roman, avec de multiples retournements de situation qui font que je ne me suis pas ennuyé une seconde. Je peux donc le recommander en toute honnêteté.
Infos
Auteur : Benjamin Audoye
Titre : Bonjour Miéssieur: Un prof en Inde
Publié par : NetCom2 Editorial
Publié le : 20 février 2021
Genre(s) : Autobiographie, récit de voyage
Pages : 301
Lu par : ParisDude
Sensualité : 0 flammes sur 5
Note
5 étoiles sur 5
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Merci
Bonjour Michèle, en effet, je viens de voir sur Amazon qu’il n’y plus que la version Kindle – enfin, si, j’ai vu aussi la version brochée, mais à 164 euros, donc bien trop cher, je vous l’accorde! Serait-ce un effet de la pénurie de papier que nous avons actuellement à déplorer? Hélas, je n’ai pas de solution! J’espère que cette situation sera rectifié rapidement!
Bonjour, c’est une plaie ces livres qui revendent des livres d’occasion avec des faux prix. En effet, je ne vends que l’ebook sur Amazon, la version papier de le seconde édition est en vente sur ma page web^^.
Merci de ton intervention, Benjamin (je crois qu’on en était déjà au tutoiement, non?) – et @Michèle, voilà l’info qu’il vous fallait (et que je n’avais pas au moment où j’avais rédigé cette chronique)… J’espère que ça vous aide 🙂
Merci pour cette critique ! Je l’ai fait passer au-dessus de ma pile à lire du coup et le commence ce soir ! 🤗
De rien, j’espère que tu aimeras 🙂